Avec Scandale, Pierre Rigal (Cie Dernière minute) signe un spectacle hip-hop punchy et vitaminé. Comme le sulfureux parfum du scandale, les danseurs surgissent et disparaissent à l’impromptu. Surprendre, désarçonner, éclabousser, rythmer le quotidien morose pour lui donner l’éclat des roulements de tambours… Le scandale est un liant collectif qui n’épargne personne. Percussions et cÅ“ur qui bondit, se soulève… Souffle court, qui court, se coupe ou reprend… La chorégraphie de Pierre Rigal joue sur le rythme et la musique (de Gwenaël Drapeau et Julien Lepreux) pour mieux tenir le public en haleine. Sur scène, six interprètes virevoltent, entre joyeux cirque, démesure et rituels chamaniques. Carburant survoltant, le scandale hérisse et parcourt la société comme un frisson nerveux. Pour un spectacle pulsatile, ou la scansion génère de l’accélération, du soulèvement, et comme un élan vers la transe. Expérience profondément sensorielle, Scandale ouvre aussi des pistes de réflexion sur le fonctionnement collectif contemporain.
Pierre Rigal : la danse contemporaine hip-hop comme prise de positions
Chorégraphe affilié à la mouvance hip-hop, Pierre Rigal livre des spectacles directs. Loin de n’être que de simples pamphlets sociaux et politiques, ses pièces sont néanmoins marquées par la volonté de se confronter aux réalités du temps. En 2009, le spectacle Asphalte abordait ainsi la violence endémique, sinon constante, des sociétés urbaines actuelles. Avec les représentations qui lui sont associées, que ce soient les scènes d’émeutes ou les scènes d’arrestations. Quelques années plus tard, avec Standards, Pierre Rigal s’emparait du débat sur l’identité nationale, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Soit l’occasion, pour le chorégraphe, de prendre position : « ce débat était surtout tourné vers ce qu’on n’est pas, il était vain car être français est une notion dynamique dans le temps qui fait appel tout aussi bien aux souvenirs qu’à la poésie. » Avec Standards, il se réappropriait alors le drapeau tricolore, pour en faire à son tour un territoire de danse. Autrement dit, par la danse Pierre Rigal ausculte et percute les récits, les mots, les concepts, pour mieux les déplacer, les recréer.
Scandale : un spectacle de souffles, scansions, percussions et soulèvements
Les pièces de Pierre Rigal trouvent ainsi souvent leur origine dans un mot, et le spectacle Scandale ne fait pas exception. Pièce écrite pour six danseurs et un percussionniste, Scandale souligne l’idée de soulèvement. Le mot scandale ne renvoie-t-il d’ailleurs pas à l’idée d’indignation publique ? Ne signifie-t-il pas à la fois « ce qui entrave » et, au sens figuré,  scander ou « marquer, souligner fortement » ? Pierre Rigal l’affirme : « Les danseurs vont scander. On entendra leur respiration et leurs rires. » Car Scandale est une pièce dans laquelle le travail sur le souffle et le mouvement est premier. Le souffle se révèle l’origine vitale du mouvement et doit se faire entendre. Accompagné par une musique simple et claire, Scandale libère ainsi le souffle jusqu’à ce que l’intensification progressive et rythmée de la respiration des danseurs emplissent l’espace de la scène. Pour toucher à la transe.
Itinéraire du spectacle :
– L’Onde Théâtre – Centre d’Art (Vélizy-Villacoublay), le 16 février 2018.
– Théâtre de Suresnes Jean-Vilar, dans le cadre du festival Suresnes cités danse, du 14 au 17 janvier 2017.