Benoît-Marie Moriceau
Scaling Housing Unit
Le travail de Benoît-Marie Moriceau sur les lieux et modes d’apparition de l’art est fortement lié aux situations dans lesquelles il intervient et en dialogue récurrent avec l’architecture et l’urbanisme.
Ses œuvres sont souvent le résultat d’une mise en tension de sites remarquables comme le parvis du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, violemment illuminé à l’occasion de l’exposition «Dynasty», comme cet ancien hôtel particulier en plein cœur de Rennes intégralement recouvert de peinture noire (Psycho) ou encore cette micro-friche habituellement dérobée à la vue des passants dévoilée par la pose d’un miroir géant (biennale de Belleville 2010).
Parallèlement, l’artiste collabore régulièrement avec des architectes comme Gaston Tolila, avec qui il a conçu son atelier, la Mosquito Coast Factory, qui s’est vu décerner le prix du Moniteur 2012 de la première œuvre d’architecture. Il semble donc naturel que son attention se soit portée sur la Maison Radieuse de Rezé — au sud de l’agglomération nantaise — érigée au sortir de la seconde guerre mondiale par celui que de nombreux commentateurs considèrent comme l’un des architectes les plus importants de tous les temps: Le Corbusier.
Le bâtiment, qui dresse son impressionnante silhouette au milieu d’une tranquille zone pavillonnaire, fait partie des cinq unités d’habitation bâties sur le même modèle révolutionnaire: celles de Marseille, de Firminy, de Briey-en-Forêt et de Berlin.
Tout le monde connaît l’opiniâtreté de l’architecte suisse, chantre du modernisme, à vouloir construire une cité fondée sur des principes utopiques et une radicalité esthétique sans concession. La forteresse de béton armé a mieux résisté à l’épreuve du temps que les rêves d’harmonie universelle de son créateur; une vie associative et communautaire très active continue cependant d’animer le bâtiment, persistance atténuée d’un idéal hors d’atteinte.
Benoît-Marie Moriceau n’a pas cherché à s’attaquer de front au mastodonte de béton non plus qu’à la légende du «Corbu»: comme pour le Palais de Tokyo ou pour Belleville, où il s’est plus attelé à révéler qu’à déconstruire, il a tenté ici une intervention de surface qui met en place un subtil jeu d’oppositions. Les modules qu’il a posés sur le pignon aveugle de la construction sont de véritables tentes d’alpinisme, abris techniques destinés au repos des grimpeurs engagés dans de longues et périlleuses ascensions d’abruptes parois: la dimension de montagne urbaine du building apparaît alors nettement, rejoignant au passage les nombreuses descriptions imagées de la littérature architecturale où les canyons, pitons et autres éminences rocheuses, autant de métaphores du relief naturel, sont largement utilisés pour évoquer la ville moderne.
Pesanteur du béton contre apesanteur de la toile, solidité minérale contre fragilité textile: ces oppositions initient des récits qui rejouent la dramaturgie de l’histoire de l’habitat. Instinct de protection contre désir d’aventure, modernisme collectiviste contre idéal de dépassement de soi: l’œuvre de Moriceau vient dépoussiérer une mythologie quelque peu oubliée pour la confronter au passage du temps et à l’individualisme de l’époque, interroger les fondamentaux de l’architecture dont le potentiel de dérive poétique va bien au-delà du simple aspect fonctionnaliste, mais elle peut aussi s’appréhender de loin4 comme de simples touches de couleur sur une gigantesque toile.
Tout au long de l’intervention sur la Maison Radieuse seront proposées des conférences par des architectes et des critiques d’architecture depuis des sites remarquables de Nantes et de Rezé. Ces points de vue distanciés sur l’œuvre de Benoît-Marie Moriceau seront l’occasion d’engager un dialogue avec l’artiste sur la dimension paysagère de son œuvre et les rapports qu’elle entretient avec l’urbanisme.
Tripode à Rezé et Zoo galerie à Nantes se sont associés pour inviter Benoît-Marie Moriceau à investir le site de la Maison Radieuse à Rezé.