Julie Coutant a fondé avec Eric Fessenmeyer la compagnie La Cavale. Lors de cette douzième édition du festival « Avis de turbulences », elle présente deux pièces. Un court solo intitulé Sas, et Suite, un duo en compagnie d’Eric Fessenmeyer. Louis Barreau, quant à lui, propose Bolero Bolero Bolero pour trois performeurs, une évocation du Boléro de Maurice Ravel.
Sas : immédiateté et liberté
Court solo de quinze minutes, Sas a d’abord été conçu comme une sorte de prémisse à une autre pièce, un trio intitulé Slow devant. Désormais création à part entière, ce solo souligne certainement les principes chorégraphiques chers à Julie Coutant que sont le mouvement, la fluidité, et la présence physique des corps sur scène. Mais il est aussi conçu comme ce moment privilégié où le mouvement dansé est pure liberté. N’est-ce pas ce que suggère après tout le titre choisi par Julie Coutant ? Un sas, selon la définition reçue de ce terme, n’est autre qu’un « compartiment étanche qui sépare des milieux où la pression n’est pas la même ».
Sas se présente avec humour un véritable exercice de relâchement destiné à mettre en scène le passage d’un état physique à un autre. Julie Coutant s’interroge ainsi sur les rythmes de nos actions en voulant laisser toute sa place à l’expressive singularité du geste dans le moment même de son exécution. Seule importe l’immédiateté du mouvement au dépend de la volonté réfléchie. L’intention s’efface devant la plénitude et la vivacité du moment présent.
Suite : Julie Coutant et Eric Fessenmeyer
La deuxième pièce présentée par Julie Coutant à l’occasion d’« Avis de turbulences », Suite, prend la forme d’un duo avec Eric Fessenmeyer. Suite a été créée à partir de l’installation sonore Icare conçue par Thomas Sillard. Celle-ci était faite de tubes suspendus que les visiteurs pouvaient frapper et dont Thomas Sillard mixait en direct les échos. Julie Coutant et Eric Fessenmeyer ont à leur tour voulu travailler sur les thèmes de l’écho et de la résonnance en formant, selon l’expression de Julie Coutant, « un duo sur l’espace vibratoire. » L’intention première de ce duo n’est autre que montrer le retentissement de l’action des danseurs l’un sur l’autre. Et cette résonnance ainsi comprise, précise Eric Fessenmeyer, doit également « faire vibrer l’espace qui nous entoure, susciter la magie du mouvement, du geste. »
Sur scène, les deux danseurs apparaissent tout d’abord telles deux silhouettes, que l’on devine être un homme et une femme, grâce aux nuances du jeu de lumières. Torse nus et vêtus de pantalons noirs, ils sont à la fois similaires et dissemblables. Les spectateurs assistent alors au cheminement de deux êtres qui se rencontrent, se séparent, se cherchent et se trouvent jusqu’à ne faire plus qu’un. De la distinction à la séparation, de la perte à la fusion, les corps bougent et se déplacent constamment, exprimant les émotions et les passions nées de ce mouvement continu. Attirance et répulsion, douceur et brutalité, amour et haine, vie et mort sont évoquées au travers des images suscitées par la composition chorégraphique des deux interprètes. Suite est un subtil enchaînement d’affects contradictoires imaginés nous renvoyant l’image sensible de ce que nous sommes.
Bolero Bolero Bolero pour trois performeurs
Bolero Bolero Bolero pour trois performeurs met en scène trois interprètes dansant sur le Boléro de Maurice Ravel. Ce trio trouve son origine dans le solo Bolero Bolero Bolero pour un performeur et en constitue le développement sans en être toutefois la simple répétition. Louis Barreau nous invite avec ce spectacle à réfléchir au passage de l’unité au collectif.
Comme la pièce originale, Bolero Bolero Bolero pour trois performeurs se développe à partir d’une brève phrase chorégraphique qui n’est autre que l’ostinato qui rythme le Boléro de Ravel. Cet ostinato ne cesse de se répèter jusqu’à la fin de la partition. La chorégraphie, reprenant la base rythmique du Boléro, se développe de manière cyclique. La gestuelle du trio est alors orientée par la partition de Maurice Ravel qui lui donne sa consistance initiale, à l’image d’une spirale qui se plie et déplie, s’enroule et se déroule.
En suivant le rythme cyclique du Boléro, l’intention première de Louis Barreau n’est autre que de fragmenter les mouvements des danseurs pour souligner le passage de l’unité à la pluralité. Une unique phrase rythmique et chorégraphique, sans cesse reprise, devient une. Les interprètes, en répétant les mêmes courtes séquences gestuelles parviennent progressivement à se rassembler et former une unité qui se confond en un seul et même mouvement. Bolero Bolero Bolero pour trois performeurs se construit sous les regards des spectateurs, de gestes en gestes, allant et venant, à la manière d’une ritournelle.