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Sarah Lerfel

Colette est un magasin branché du faubourg Saint-Honoré. On y trouve des disques, des fringues, des livres, un bar à eau mais aussi de l’art contemporain. Pourquoi depuis plus de dix ans de jeunes artistes s’y pressent pour exposer ? De Xavier Veilhan à Claude Closky en passant par Martin Parr, tous y sont passés. Sarah Lerfel, la fille de la propriétaire et principale animatrice du lieu nous explique ses coups de cœur.

Pierre-Evariste Douaire. Comment a commencé le magasin Colette ?
Sarah Lerfel. Colette a ouvert en 1997. Nous étions avec ma mère habitante du quartier et nous sommes tombées sous le charme de l’endroit. L’immeuble était à vendre depuis longtemps mais il ne trouvait pas d’acquéreur. En le visitant, il nous a semblé évident qu’il serait l’endroit idéal pour une boutique. Pris entre la rue du faubourg Saint-Honoré, les Halles et la place Vendôme, cette portion de territoire était déserte. Elle ressemblait à un petit village. Dès son ouverture le magasin a proposé de mélanger les styles en proposant de la mode, de la musique, du design, un restaurant et aussi un espace dédié aux artistes.

Pourquoi exposer de l’art dans un magasin ?
Sarah Lerfel. Colette est à l’image d’un magazine féminin. Il est composé de sa page mode, cuisine, culture. On y trouve plein de choses, mais nous avons toujours pris soin de distinguer le magasin et l’espace d’exposition. Aujourd’hui, il se situe à part, sur une mezzanine. Je voulais présenter des artistes mais sans prétention. J’ai étudié l’histoire de l’art à l’école du Louvre, mais ça n’a pas de rapport je crois. Nous marchons au coup de cœur. Les articles référencés sont à notre image. Il n’existe pas de stratégie de notre part, juste des envies et du feeling. Les artistes et les œuvres exposées obéissent à la même logique.

Avez-vous une programmation précise ?
Sarah Lerfel. En général, c’est moi qui contacte les artistes. Tous les mois une exposition en chasse une autre. Il y a une alternance entre la photographie, la vidéo, le Street Art et le graphisme. Au début, la photographie de mode était très présente, elle a tendance à se faire plus rare aujourd’hui. Par contre, nous n’avons jamais beaucoup mis à l’honneur la peinture «classique».

Vouliez-vous être assimilés à une galerie ?
Sarah Lerfel. Nous n’avons pas été compris par le milieu de l’art contemporain. A leurs yeux, on ne comptait pas. Nous avons souffert de cette indifférence. La vocation de l’espace d’exposition n’a jamais été tournée vers la vente à tout prix. Même si nous produisons les expos, si nous les faisons voyager à travers le monde, si nous avons été présents à la Fiac et à Paris Photo, notre rôle a toujours été tourné vers la découverte d’artistes nouveaux. Notre but, c’est de les montrer car ils ont une place légitime en galerie.

Vous avez toujours soutenu le Street Art.
Sarah Lerfel. J’adore les artistes de rue, qu’ils s’appellent André ou WK Interact. Plus qu’une étiquette, il s’agit avant tout de création. A chaque fois, carte blanche leur a été donnée pour qu’ils puissent réaliser ce qu’ils voulaient. Peu importe qu’ils travaillent à l’intérieur ou à l’extérieur de nos murs. En revanche, il est important de leur donner un terrain de jeu à la hauteur de leurs envies. Avec la nouvelle génération, les besoins restent les mêmes, même si leurs nouveaux graffitis passent par l’écran de l’ordinateur.

C’est une mode éphémère d’exposer de l’art dans un magasin ?
Sarah Lerfel. C’est génial que le luxe s’ouvre à la création contemporaine. Quand je vois les collaborations de Murakami et de Richard Prince avec Louis Vuitton, j’applaudis des deux mains. Par contre, je suis plus réservée sur la présence d’artistes dans des grands magasins comme les Galeries Lafayette. Je trouve qu’ils y perdent leur âme. Je m’interroge tout autant quand je vois Vanessa Beecroft ouvrir en grande pompe le magasin Vuitton des Champs-Elysées. Je me demande si sa performance est bien nécessaire.

Le livre a une place de choix chez Colette.
Sarah Lerfel. L’espace librairie a toujours été important et nous avons toujours pris soin de présenter un éventail complet de livres. Il nous arrive pour les expositions d’éditer, de coéditer ou d’aider à la publication. Encore faut-il que cela ait un sens. Une exposition n’accouche pas systématiquement d’un catalogue. Nous servons d’intermédiaire. Nous sommes réactifs pour proposer aux artistes des supports variés mais surtout adaptés à leur démarche, comme des sacs, des cartes postales. Untel trouvera judicieux de produire des briquets, alors que pour un autre cela semblera incongru. Mélanger l’art, le marchandising et le commerce peut troubler le message de l’artiste. Proposer un article souvenir bon marché peut participer à cette confusion. Chaque cas est particulier. Tout le monde doit s’y retrouver. Le travail de l’artiste doit se prêter au support qu’on lui propose. Closky a édité un livre blanc. Pour Xavier Veilhan, nous voulions concevoir quelque chose en rapport avec son expo au Château de Versailles, mais cela n’a pas pu se faire.

Vous avez exposé des toys ?
Sarah Lerfel. Le toy est une forme d’expression parmi d’autres. La mode semble s’être un peu arrêtée aujourd’hui. Il me semble qu’il ne reste que les marques. Nous avons toujours travaillé avec le magasin Art Toys, puis avec les leaders mondiaux du genre. Tout ceci à l’intérieur du magasin mais pas à la mezzanine.

Quel bilan tirer de votre galerie ?
Sarah Lerfel. En dix ans, nous avons présenté cent soixante artistes. Ils n’exposent qu’une seule fois. Seul Martin Parr et Carl Fischer sont revenus. Cela permet de montrer des gens nouveaux mais surtout différents.

Quelles sont les limites qu’impose le magasin à la galerie ?
Sarah Lerfel. Le seul interdit concerne les images trop sexuelles ou trop violentes. Le magasin est ouvert à un public familial. On ne peut pas imposer une telle vision à des enfants. Ce n’est pas l’endroit.

L’art a-t-il sa place dans un magasin comme le vôtre ?
Sarah Lerfel. L’art a sa place partout. Il faut juste faire attention à ce que l’artiste s’y retrouve. Je connais beaucoup de musées et de galeries qui ne sont pas du tout adaptés pour accueillir de l’art. Je suis contre les cloisonnements. On peut même exposer dans le métro.

Je ne suis pas sûr…
Sarah Lerfel. Même dans un supermarché. Regardez ce qu’a proposé Fabrice Hyber. Il a détourné les codes du supermarché et a transformé un espace muséal en grande épicerie. Vous voyez, tout est possible !

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