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Santa Fe

PMaxence Alcalde
@12 Jan 2008

Jeux d’échelles, apparitions et disparitions, flou et tracé, etc. Au-delà des images d’extinctions d’écrans de télévision, les grandes toiles sur fond noir de Jugnet + Clairet traitent fondamentalement de peinture.

Quand Jugnet + Clairet partent aux États-Unis faire le tour des motels ce n’est pas pour raconter une histoire d’amour ratée comme Sophie Calle (No Sex Last Night), ni pour partir sur la route avec Kerouac, mais pour allumer la télé! L’allumer seulement, puis l’éteindre pour obtenir la petite compression de l’image qu’ils s’empressent de capturer…

C’est de ce phénomène physique que les deux artistes tirent la série Switch : de grandes peintures de taches lumineuses photographiées puis modifiées par ordinateur. Ces auréoles de couleurs, forcément électriques, émergent sur les fonds uniformément noirs des toiles. L’interstice est capturé grâce à ce processus appliqué de manière systématique.
Ce que nous considérons parfois comme inesthétique nous parle ici de la peinture, donc de l’art.

Dans la continuité du travail topologique entamé par les artistes avec Séries Américaines, chaque Switch porte le nom de la ville dans laquelle il a été « capturé ».
L’image prétendument uniforme de la télévision — médium de masse dispersant une information identique à plusieurs millions de récepteurs — acquiert sa singularité et même son autonomie au moment de sa disparition. En effet, les images en train de s’éteindre de la télévision du motel d’Alpine, de White’s City, de Alamogordo, etc., n’ont en commun que la palette colorée qui les composent. Entre l’aurore boréale et le fantôme des films d’épouvante, à mille lieues de tout lyrisme, elles s’inscrivent par leur rigueur formelle dans une quête d’image absolue. La série Ciels, constituait déjà pour les deux artistes « une tentative illusoire d’approcher une image idéale ».

D’autres versions plus stylisées de ces images d’extinction d’écrans sont déclinées dans des toiles où les contours des formes de Switchs sont lissés. Les taches colorées passent du stade d’auréoles à celui de formes découpées et nettes, presque géométriques. Certaines toiles en tons gris de la série Mega Vixens rappellent — ironie des images ! — le graphisme des tenues de camouflage des militaires américains dont la télévision nous a abondamment abreuvé.

Jeux d’échelles, apparitions et disparitions, flou et tracé : dans les œuvres de Jugnet + Clairet il est fondamentalement question de peinture.

Anne-Marie Jugnet et Alain Clairet
— Fishing With John, #46, 2001. Acrylique sur toile. 140 x 190 cm.
— The Baby of Macon, #3, 2001. Acrylique sur toile. 140 x 190 cm.
— Fishing With John, #16, 2001. Acrylique sur toile. 140 x 190 cm.
— Fishing With John, #45, 2003. Acrylique sur toile. 190 x 140 cm.
— Alpine, TX #560-1, 2002. Acrylique sur toile. 140 x 190 cm.
— Alpine, TX #560-2, 2002. Acrylique sur toile. 140 x 190 cm.
— Santa Fe, NM #32c, 2003. Acrylique sur toile.180 x 244 cm.
— Santa Fe, NM #118b, 2003. Acrylique sur toile. 180 x 244 cm.
— Santa Fe, NM #104e, 2003. Acrylique sur toile. 180 x 244 cm.
— Santa Fe, NM #81c, 2003. Acrylique sur toile. 180 x 244 cm.
— Santa Fe, NM #101b, 2003. Acrylique sur toile. 180 x 244 cm.
— Enterprise, 2000. Acrylique sur toile. 190 x 130 cm.
— Clark County, 2000. Acrylique sur toile. 190 x 130 cm.
— Alpine, TX #376-1 , 2002. Acrylique sur toile. 140 x 190 cm.
— Caserne Riquier, #1, 2000. Cibachrome. 60 x 60 cm.
— Caserne Riquier, #2, 2001. Cibachrome. 60 x 60 cm.

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