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Sans-titre

Raimund Hoghe, au lendemain du départ de Pina Bausch dont il fut le dramaturge, fit descendre sur la scène finale de Sans titre, sa dernière création, une pluie d’œillets en hommage au Nelken (Œillets) de Pina Bausch (1982).

Sans-titre, dixième pièce qu’il présente au festival, pourrait être le type même de l’œuvre qui échappe au discours de son auteur. Raimund Hoghe l’a conçue comme une chorégraphie « plus politique qu’esthétique », basée sur une confrontation entre l’Afrique et l’Occident. L’Afrique représentée par Faustin Linyekula, danseur et chorégraphe congolais. L’Occident omniprésent par ses musiques — essentiellement de Bach et Purcell —, plus que par Raimund Hoghe, sur scène lui aussi, dans une grande présence faite essentiellement d’effacement.

Mais à la place d’une confrontation, n’y aurait-il pas résonance ? Résonance d’un corps avec un autre corps – celui de Raimund Hoghe, formellement torturé par des déformations osseuses de la colonne et un thorax exagérément développé, mais intensément ancré dans la verticale, presque immobile d’un bout à l’autre de la pièce, et celui de Faustin Linyekula, aux multiples fluidités traversant membres, tronc et tête de haut en bas ou de bas en haut, de diagonales en diagonales. Étonnantes résonances également dans l’espace, parfois coupé en deux : les danseurs ici, et le vide dans l’autre moitié, où se joue un écho silencieux des présences et des mouvements de la face visible du miroir.

D’autres résonances encore, entre la musique et le mouvement ou au cœur de la musique elle même, avec les mêmes airs déclinés en différentes versions, la voix d’un aria baroque se prolongeant sur un Negro spiritual puis devenant violon, aubois, piano.

Intense présence du feu — un lumignon placé au cÅ“ur de l’espace, dans le fond de la scène. Intense présence de galets blancs devenant échos d’os, déposés dans le creux du dos de Faustin Linyekula ou sur les bosses du corps de Raimund Hoghe. Présence évidente du bois transformé en papier, de l’air agité par les gestes…Tout est là dès le premier instant, dans un grand dépouillement, comme une invitation à la vision contemplative : voir ce qui est évident mais oublié si vite — si vite oubliée, la richesse des choses simples, comme une plongée progressive dans l’obscurité… Et ce qui était lumière ténue au milieu des lumières électrifiées, devient peu à peu flamme vibrante.

Nulle crainte d’une peur, d’une angoisse de l’inconnu qui pourtant vient avec la nuit… Peut-être s’éveillent au gré de l’ombre lumineuse une paix, une chaleur, une présence qui attend… Présence multiple, animée, dansante ? Et si la chorégraphe de Nelken, du Café Müller, de Danzón ou du Sacre [sacrifice] du printemps trouvait là son plus bel hommage, dans un silence illuminé ?

— Conception et chorégraphie : Raimund Hoghe

— Avec : Faustin Linyekula et Raimund Hoghe
— Lumière et Décor : Raimund Hoghe

— Photographie : Rosa Frank

— Assistant : Luca Giacomo Schulte
— Régie : Johannes Sundrup