Jeanne Lacombe
Sans nuage, le bleu n’est pas une couleur
Le temps est comme suspendu, suspendu entre le ciel et la mer. L’été, nous levons le nez vers le ciel et sommes heureux de dire: «le ciel est bleu, aujourd’hui», comme une promesse de bonheur pour le jour à venir; la mer, sans couleur, heureuse de cette promesse, reflète alors ce bleu. Et ainsi se crée la ligne d’horizon.
Des voyages, des carnets de dessins, des photographies, la trace du souvenir qui, épurée, devient l’essence du voyage: aller se chercher soi à l’autre bout du monde, à l’autre bout de la mer, à l’autre bout du bleu. Aller se chercher soi, n’est ce pas le but de tout voyage?
Des photographies comme prises de notes, retravaillées, épurées, évidées de ce que pourrait être l’anecdote du voyage. Puis viennent les petits formats peints, mosaïque sur le mur, instantanés. C’est le début du sillon qui se creuse. Jeanne Lacombe travaille et retravaille ses images photographiques. Elles deviennent de grandes toiles bleues et silencieuses, comme une écoute extrême d’un silence intérieur.
Comme une ligne d’horizon, le travail de jeanne Lacombe parle de passage. D’ailleurs, ses sujets de prédilection, ici, sont ces lieux mêmes: Bosphore, estuaire, enclave… En face, il y a l’autre, l’ailleurs, l’étrange étranger dont on rêve parfois; juste pour aller voir, ou juste pour la vie… Car, peut-être que le bleu en face est toujours un peu plus bleu.
Mais le travail ne s’arrête pas là pour l’artiste. Le donner à voir est une étape fondamentale dans sa démarche. Le peintre se meut alors en plasticien, prend en compte le volume de l’espace d’exposition, la déambulation du visiteur et crée toute une installation qui invite le spectateur à voir l’oeuvre dans sa globalité. Les oeuvres se répondent, jouent avec les mots et avec l’espace aussi, car la peinture s’est répandue, au sens propre, sur les murs mêmes d’accrochage.
Ainsi, le spectateur est convié lui aussi à un voyage au coeur du lieu d’exposition. Un voyage qui le fait aller de la plus stricte reproduction du réel à sa transformation plastique, de l’anecdote à la profondeur de sens, du réel à la fiction, celle qui révèle à qui sait se laisser prendre, la vérité des choses.