Pièce créée en 2014, Samedi détente est le premier spectacle chorégraphié par Dorothée Munyaneza. A peine entrée dans l’adolescence, elle a fuit le génocide rwandais et se souvient désormais sur scène de cette période. A l’origine de Samedi détente, une seule et simple question : Comment témoigner de l’horreur ? Comment dire la séparation brutale et douloureuse séparation d’avec son pays natal ?
Samedi détente : un rituel
A l’occasion de son premier spectacle, Dorothée Munyaneza se souvient du génocide qui déchira son pays d’origine, le Rwanda, au début des années 1990. Les mêmes questions se bousculent : Comment parler de ce dernier ? Comment exprimer la peur de la fuite et sa douleur ? Un souvenir d’enfance frappe toutefois : Dorothée Munyaneza avait pour habitude d’écouter alors une célèbre émission de radio, Samedi détente. Emission destinée à un grand public au cours de laquelle elle pouvait écouter «des musiques venues d’ailleurs.» Dans la cour de récréation, les enfants en apprenaient par cœur les paroles, chantaient et dansaient, organisant une compétition de la meilleure performance.
Mais ce rituel enfantin se confond désormais avec la violence du génocide. Dorothée Munyaneza avoue : «Je n’ai plus écouté d’émissions de Samedi détente mais il m’arrive parfois, d’entendre des chansons qui passaient durant cette émission et tout me revient, je revois mes amis, je revois mon quartier, je revis la musique et mon corps se remet à bouger. Aujourd’hui, la plupart de ces amis ou membres ou membres de ma famille sont morts. »
Samedi détente : donner vie au récit
Samedi détente est d’abord un récit, un texte écrit par Dorothée Munyaneza prenant sens et consistance sur scène. Et de préciser : «La parole précédera le geste, la parole suivra le geste mais ne sera pas le seul moyen d’expression.» S’il importe de témoigner, il est tout aussi nécessaire de créer d’autres formes d’expression donnant corps aux seuls mots. Dorothée Munyaneza s’efforce alors de trouver les intonations de voix susceptibles d’accompagner son récit. Samedi détente est d’abord un chant qui devient cri ou chuchotement.
Sur scène, une bâche blanche et une table sont les seuls objets présents, vestiges symboliques du passé, servent d’accessoires aux deux danseuses, Dorothée Munyaneza et Nadia Beugré. «Notre danse sera la danse des corps animés, rescapés, elle donnera vie à ces corps morts, et oubliés.»