DANSE

Salomania

PElisa Fedeli
@06 Déc 2011

Le travail de Pauline Boudry et de Renate Lorenz se concentre sur des positions minoritaires et pose cette question: comment vivre sa différence librement? Avec «Salomania», le duo d'artistes revisite une tendance méconnue de l'Histoire: la fascination des milieux queer pour le personnage biblique de Salomé.

Salomé transformée en icône gay? Cette réappropriation inattendue d’un personnage biblique est au cÅ“ur de l’exposition de Pauline Boudry et Renate Lorenz, dont le travail consiste à revisiter le passé enfoui de certains genres — gay, lesbien et transsexuel.

Dans la première salle, des documents relatent l’engouement qu’ont connu les milieux queer pour la figure sainte. On apprend par exemple que l’actrice russe Alla Nazimova avait réuni un casting d’acteurs gays pour réaliser son film muet Salomé (1923).

Les sources historiques, collectées par le duo d’artistes, sont donc exposées en guise de préambule. Elles mettent en évidence une méthode de travail basée sur la recherche et le dépouillement d’archives en bibliothèque.

L’exposition se poursuit avec la version actualisée de cette archive, sous la forme d’une vidéo et d’une installation.
L’œuvre filmée, précisément intitulée Salomania, est basée sur un extrait du film muet d’Alla Nazimova, où le personnage de Salomé se met à danser. A partir de ces images d’époque, Pauline Boudry et Renate Lorenz ont demandé à une performeuse d’interpréter cette chorégraphie le plus fidèlement possible. La vidéo superpose ces deux temporalités et les fait se rejoindre en un moment final où la performeuse se met à danser devant un écran où est projeté le film d’Alla Nazimova.

La vidéo comporte en outre des séquences plus énigmatiques. Le personnage de Salomé y est représenté dans des ambiances qui évoquent les canons de la peinture orientaliste: un paon exhibe ses magnifiques plumes colorées, une femme portant un turban est allongée au bord de l’eau. Ainsi, il semble que la réappropriation queer de l’exotisme soit pointée du doigt.

L’installation qui accompagne la vidéo rejoue d’ailleurs cette idée: composée de plusieurs mâts en plumes noires et blanches, elle évoque autant un décor de scène Arts Déco qu’un costume exubérant de drag queen.

Pauline Boudry et Renate Lorenz orchestrent ainsi une relecture critique de l’histoire des milieux queer. En insistant sur la manière dont ces minorités se sont appropriées un symbole, elles interrogent la difficulté de se construire une identité. Comment vivre sa différence en pleine liberté et ne pas faire de son genre un emprisonnement?

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