ART | EXPO

Sakis, un tombeau

08 Déc - 14 Jan 2012
Vernissage le 08 Déc 2011

L’installation documentaire Sakis est un tombeau conçu spécifiquement pour l’espace d’exposition. Dans cette installation le cinéaste enquête à Thessalonique sur la mort d’un de ses amis très cher.

Vincent Dieutre
Sakis, un tombeau

Vincent Dieutre est le premier cinéaste invité à La Box. L’installation documentaire Sakis, un tombeau est conçue spécifiquement pour l’espace d’exposition. Dans cette installation le cinéaste enquête à Thessalonique sur la mort d’un de ses amis très cher.

«Tout a changé, évidemment. L’Europe entière bascule dans la crise, et ici en Grèce tout semble en sursis… Je retourne à Thessalonique, trente ans après. Aujourd’hui, je fais des films et l’on m’a invité à en montrer un à l’Olympion. J’ai reconnu l’endroit, la place Aristote… Trente ans après, je retrouve la ville où j’ai été aimé pour la première fois, aimé physiquement, charnellement. Moi, j’étais fou de Sakis… C’est lui qui m’avait choisi, élu, à Paris où il étudiait. À vingt ans, cela ne m’était jamais arrivé. L’été venu, de Paros je l’avais suivi jusqu’à Thessalonique. C’est là que Sakis était né, là où vivaient ses parents. Appartement immense, immeuble récent, il fallait être discrets, se cacher, apprendre à faire l’amour, en douce. C’était drôle, c’était merveilleux… Je ne me souviens plus très bien, ni de la ville, du quartier, ni de l’intérieur cossu et vieillot de sa famille… La mémoire vacille… Je me souviens des yeux : les yeux gris de Sakis qui m’avait choisi. Je longe la Paralia et observe du bateau Thessalonique en crise qui plonge dans la nuit. Aujourd’hui, en ville, tout me fait signe : les halls d’immeubles anonymes, certains visages, certains regards, des sons aussi. Chaque sensation convoque un souvenir concret ou rêvé, réinventé. Trente ans, c’est long, ce n’est rien. La mémoire flotte, disponible, menteuse. C’était l’été 1981, Mitterrand venait d’être élu en France et Sakis, le beau Sakis aux yeux gris m’aimait, enfin, me désirait. Où ? Dans quelle rue ? Cette entrée toute de marbre et de cuivre me dit quelque chose. Pénétrer un homme, être pénétré pour la première fois, ça compte, ça vous construit… C’était dans le salon, contre le mur… Puis dans la bibliothèque. Je vois des livres, en grec… Les parents dormaient. Quelque chose comme une promesse de bonheur incroyable, une bousculade de possibles. Dans les années 90, j’ai revu Sakis. Il voulait me parler. Nous avons parlé, à Paris. Mais je vivais alors avec Georg, et je n’ai pas compris. Je l’ai éconduit. J’aurais dû le prendre dans mes bras. Il est mort du Sida à Thessalonique, sans tous les soins nécessaires peut-être mais protégé par sa mère. Peut-être est-elle encore là, dans un de ces immeubles mais… Non, ça ne servirait à rien. Tout ce que je peux faire, c’est vous en parler. Élever à Sakis K. qui m’avait choisi, un tombeau de larmes, d’images et de sons.» (Vincent Dieutre)

Des images de Théssalonique d’aujourd’hui défilent lentement auxquels sont adjoints des fragments de texte. Aux sons de la ville se mêlent d’étranges mélopées entre chants orthodoxes et musique électronique. La voix de l’artiste tente de faire de l’ordre dans sa mémoire, de dire le manque, la peine… Le travail sur le son tourne autour de la question de la voix off (aspect essentiel dans tout son travail filmique), non comme élément participant du commentaire mais constituant du film. La voix est traitée comme un plan au même titre que la musique et les images.

Vernissage
Jeudi 8 décembre 2011 à 18h.

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