L’union fait la force. Quand le Festival d’Automne rencontre Japonismes, cela donne le programme « Tous japonais », à Chaillot. Japonismes ? C’est la grande manifestation qui va courir de juillet 2018 à février 2019, pour fêter le cent-soixantième anniversaire des relations franco-japonaises. Tandis qu’au Louvre l’exposition Eugène Delacroix, chantre de l’Orientalisme, aura battu tous les records d’affluence du musée, Japonismes 2018 ironise gentiment sur le goût de l’exotisme. Programme danse spécialement calibré pour Chaillot – Théâtre National de la Danse, « Tous japonais » livre quatre morceaux choisis. Quatre temps, du Kabuki à la danse contemporaine, en passant par une relecture pop des traditions chorégraphiques. Avec The Idiot (2016), le chorégraphe Saburo Teshigawara (Cie Karas), propose sa relecture du roman de Fiodor Dostoïevski. Une réinterprétation en forme de duo ; un pas de deux qu’il interprète avec la danseuse Rihoko Sato.
The Idiot de Saburo Teshigawara : ou comment danser Fiodor Dostoïevski
Entre le chorégraphe Saburo Teshigawara et la danseuse Rihoko Sato, la première collaboration remonte à 1995. Rihoko Sato intègre ensuite la compagnie Karas en 1996. Sur scène, la complicité entre les deux interprètes n’est pas feinte, mais riche d’un parcours commun. Roman publié en 1868-1869 sous la forme de feuilletons, L’idiot fourmille de personnages. Et de cette complexité, Saburo Teshigawara extrait un duo sobre, sur une scène dépouillée. L’entrelacs des émotions et intrigues du roman se retrouve peut-être dans la diversité des vocabulaires chorégraphiques de la pièce. Avec des accents de ballet classique, de danse moderne, de hip-hop, de Butô, voire même de mime ou de théâtre… Le duo The Idiot prend la liberté de jongler entre les langues et cultures. Une pièce syncrétique, entièrement composée par Saburo Teshigawara. De la chorégraphie aux lumières, aux choix musicaux, en passant par les costumes. En collaboration, cependant avec Rihoko Sato.
Un duo sobre et concentré, entre Saburo Teshigawara et Rihoko Sato
Pièce sombre, The Idiot n’a rien à voir avec l’image de la danse japonaise. Sa portée globalisée et sa diversité culturelle viennent court-circuiter toute tentation de cliché japonisant. Et du roman-fleuve, de plus de mille pages, Saburo Teshigawara extrait une sève douce-amère. Un duo qui plonge dans ce que les relations amoureuses peuvent avoir de dureté. Éconduit, vacillant, le personnage masculin (le prince Mychkine) courtise avec assiduité le personnage féminin (Nastassia Filippovna). Dans une lueur un peu crépusculaire et inquiétante, les personnages ressemblent parfois à des papillons, parfois à des pantins. À des papillons lorsque la femme virevolte. Ou lorsque l’homme ne peut s’empêcher de lui tourner autour, sous la lampe. À des pantins lorsque l’homme perd espoir. Ou lorsque la femme ne parvient à s’arracher à ce duo inégal. De quoi tenir, comme dans le roman, les publics en haleine.