L’artiste franco-chinois Yan Pei-Ming, né en 1960, présente dans l’exposition «Ruines du temps réel», à Sète, au Centre régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon, ses plus récentes toiles, réalisées en 2015 et 2016, dont certaines spécialement pour l’exposition. Tous les grands genres classiques sont abordés: portraits, autoportraits, paysages, scènes historiques et reproductions d’œuvres célèbres de l’histoire de l’art.
Comme de coutume chez lui, Yan Pei-Ming adopte le grand et même très grand format, jusqu’à six mètres de long. Autre élément caractéristique de sa peinture: la quasi monochromie. Réalisées à l’aide de grosses brosses, les toiles demeurent dans des tons de noir et de gris, à peine rehaussés de touches de blanc. Ce choix chromatique crée un effet de saturation particulièrement sensible sur le diptyque intitulé Aube noire, où les détails du paysage sont à peine discernables.
Le titre de l’exposition «Ruines du temps réel» reprend celui d’un triptyque dans lequel des paysages de ruines plongés dans les ténèbres évoquent immanquablement les sites archéologiques détruits au cours des derniers mois par des fanatiques et les villes bombardées par des assassins de leur peuple. Ici comme souvent, Yan Pei-Ming fait œuvre en combinant un classicisme de manière (la peinture, les grands genres) avec des grands thèmes de politique contemporaine. Son œuvre puise une part de sa force dans cette tension entre le classicisme des grands et la contemporanéité des sujets.
Dans ses reproductions de Caravage, La Vocation de Saint Matthieu et Le Martyre de Saint Matthieu, Yan Pei-Ming exprime son goût pour la tragédie dans laquelle l’individualité est transcendée pour atteindre l’humanité tout entière. Ces reproductions, qui reprennent les éléments des toiles originales, sont évidemment des interprétations. Dans les œuvres de Caravage, Yan Pei-Ming puise leur dimension tragique pour la transposer à l’époque contemporaine par son style: d’épais traits de peinture noire et blanche appliqués par de vigoureux mouvements de brosse expriment la violence des scènes.
A l’occasion des 350 ans de la Villa Médicis à Rome, Yan Pei-Ming a réalisé une série de toiles sur des lieux et édifices romains auxquels se mêlent des portraits de papes, l’iconographie du cinéma italien (dont le film Rome, ville ouverte de Rossellini), mais aussi la Fontaine de Trevi à laquelle Fellini a rendu un bel hommage dans La Dolce Vita.
critique
Ruines du temps réel