Il y a quelque chose de Piet Mondrian dans le travail de Carmit Gil. Mondrian déjouait les limites du tableau en prolongeant son expérience au-delà du cadre et de ses couleurs. Carmit Gil se trouve sur un terrain similaire bien qu’elle s’inscrive dans une démarche de sculpteur : même considération pour le vide et pour les interstices qui séparent la structure de la couleur ; même désir d’explorer ce boulevard qui se cache derrière la façade des signes et des formes.
L’exposition Mandalas qu’elle présente chez Franck Elbaz développe un rapport ténu avec le vocabulaire conceptuel tout en s’aménageant des échappées vers des contrées moins balisées par l’histoire de l’art : les références à l’abstraction géométrique ne sont à vrai dire qu’un versant de son travail. L’exposition le démontre, l’israélienne emprunte à la religion et au monde industriel leurs codes les plus universels.
Le spectateur est cueilli à l’entrée par une rosace métallique derrière laquelle vient se caler une photographie cibachrome du ciel. Nous pourrions être devant l’éloge de la cathédrale gothique. Nous pourrions également convenir du rapprochement qui s’opère entre la sculpture et sa racine graphique puisée dans la culture orientale, sa précédente exposition dans les murs de la galerie plaçait au sol les motifs d’un tapis persan.
Carmit Gil soumet la lecture de ses œuvres à de multiples entrées, ici religieuses ou historiques, à d’autres moments totalement imprégnés du design industriel contemporain.
Il reste toutefois un déterminant commun qui donne le titre à l’exposition, le mandala. Le mandala est un support de méditation tantrique composé d’une multitude de formes à l’intérieur d’un cercle. Il est aussi, par extension, un territoire et représente plus globalement l’univers physique et mental. L’artiste joue sur cette typologie, pour segmenter le sens de ses réalisations et en structurer la vision.
Plus loin dans la salle d’exposition, le cercle-mandala revient sous l’apparence de l’enjoliveur de voiture ou de la plaque d’égout jusqu’à se fixer sur un paysage céleste et lunaire. Quel lien y-a-t-il entre l’ensemble de ces éléments? Aucun, hormis l’essentiel : la puissance d’évocation du cercle, ce symbole de plénitude à la fois transculturel et transhistorique.
Et puis à chaque fois, à l’intérieur de ces cercles, la recherche du creux, de l’anti- matière. Et un constat évident : Carmit Gil fait de ce cercle un support décoratif afin d’aborder la question de l’architecture de l’œuvre, et de démontrer que la sculpture se nourrit tout autant de ses volumes que du vide qui les prolonge.
Carmit Gil
— Church, 2005. Aluminum, peinture, Plexiglass, néon. 130 x 7 cm.
— Sewage, 2005. Aluminum, peinture. 45 x 1,5 cm; 55 x 1,5 cm; 45 x 1,5 cm.
— Tree, 2005. Aluminum, peinture. 100 x 3 cm.
— Tooth, 2005. Aluminum, peinture. 28 x 0,8 cm.
— Stars, 2005. Perspex, fibre optique, aluminum, peinture. 20 x 6,5 cm.
— Moon, 2005. Ciment, pigment, aluminum, peinture. 69 x 10 cm.
— Galaxy, 2005. Perspex, fibre optique, aluminum, peinture. 69 x 10 cm.
— Car, 2005. Aluminum, peinture. 37 x 3,7 cm.