S’il est un artiste qui n’est pas lié à un médium précis, c’est bien Serge Comte dont le travail s’attache au contraire à éprouver toutes les combinaisons d’un art low tech. Après la réalisation de portraits en post-it, ou en boîtiers de disquettes, il se tourne aujourd’hui vers les perles de plastique thermosoudables. Il confectionne des œuvres comme s’il s’agissait d’un bricolage, d’un passe temps, de ces gribouillages sans importance ni qualité que l’on griffonne sur un coin de page lors d’une conversation téléphonique. Sous l’apparence d’un constant dilettantisme se cache un réel travail plastique et critique.
Nya-Tchi, Gille, 4×4 et Double Flush sont des portraits réalisés en perles de plastique colorées, collées les unes aux autres. Visages reconnaissables et méconnaissables à la fois, qui donnent l’impression de déjà vu. Ces images rappellent les trames grossies des tirages sur papiers de mauvaise qualité chères au pop art, mais aussi la neige des écrans télé telle qu’on l’observe lors d’une mauvaise réception hertzienne. Les portraits aux contours flous semblent se dissoudre comme pour disparaître.
A l’époque des grands tirages cibachromes et des images de synthèse lisses et propres, Serge Comte réalise, avec les moyens du bord, des images volontairement pauvres. Son ambition est d’interroger de façon ludique notre addiction aux nouvelles technologies. Cadrés comme des photographies d’amateurs, les visages tramés surgissent en une continuelle tentative avortée d’un art hyperréaliste dont l’artiste envisage la défaite dès le début.
A l’opposé de la logique figurative des portraits en perles, Serge Comte présente, avec les vidéos Rouge et Neige projetées au mur, une succession d’images fixes abstraites. Des gros plans de phares marins, tantôt éteints tantôt allumés, s’enchaînent dans un rythme lent et monotone. Les quelques indications apparaissant dans la partie supérieure de l’écran interviennent plus comme un brouillage que comme une explication de l’image. On se perd entre rêve et réalité, dans la contemplation plastique de ces formes prismatiques et colorées.
Serge Comte s’emploie à brouiller les cartes, à nous désorienter, si bien que l’on ne sait pas toujours trop quoi voir ni penser. Une piste d’accès à son œuvre se trouve peut-être dans l’écoute de Iwannabeyourfavorutebee (1997), un disque d’easy listening qui semble être composé à la tronçonneuse, et qui alterne paroles saccadées (All Right Baby) et comptines (Bastien) sur fond de boucles sonores.
Brouillages volontaires, low tech, images et supports sans qualité, l’artiste affiche ici son refus de devenir l’esclave de l’incessant enchaînement des nouveautés technologiques. Alors que McLuhan considérait que chaque nouvelle technologie ajoute, jusqu’à nous menacer d’asphyxie, de nouvelles prothèses à celles qui nous entourent déjà , Serge Comte montre que ces prothèses peuvent aussi se détraquer. Ses œuvres amusées et désabusées ponctuent son expérience indéfiniment renouvelée de la fuite du temps.
Serge Comte :
— Rouge, 2002. Carte à puce.
— Neige, 2002. Carte à puce.
— Nya-Tchi, 2002. Perles thermosoudables. 60 x 60 cm.
— Gille, 2002. Perles thermosoudables. 60 x 60 cm.
— 4×4, 2002. Perles thermosoudables. 60 x 60 cm.
— Double Flush, 2001. Perles thermosoudables. 60 x 60 cm.
— Blush, 2000. Rayon laser.
— Point mort, 2002. Chewing-gum.