Angelin Preljocaj reprend son propre ballet Roméo et Juliette, initialement créé en décembre 1990 pour le Lyon Opéra Ballet, dans lequel il revisite l’histoire du couple campé par Shakespeare, portant un regard décentré sur le mythe amoureux qu’ils incarnent.
Shakespeare transfiguré
Ce spectacle, qui rassemble 24 danseurs combine technique néo-classique et contemporaine, et renouvelle le genre du ballet en en s’inspirant des arts populaires. Pour transposer la pièce de Shakespeare à l’notre époque, Angelin Preljocaj a notamment collaboré le dessinateur Enki Bilal. L’auteur de bandes-dessinées a conçu pour « Roméo et Juliette » un décor révolutionnaire, sombre et dur.
Cette interprétation de « Roméo et Juliette » nous transporte dans une Vérone qui n’est plus le lieu d’affrontement entre clan mais d’un conflit entre la milice chargée d’assurer l’ordre social et le monde des sans-abris. Car nous voilà désormais plongés un contexte tout différent, celui des anciens totalitarismes des pays de l’Est. Certes, ces derniers se sont effondrés, le décor d’Enki Bilal a évolué et la danse de Preljocaj s’est elle-même transformée mais la pièce, selon la nouvelle version qu’en donne Angeli Preljocaj, reste profondément ancrée dans la réalité la plus immédiate en lui donnant toute sa dimension de parabole sociale.
« Roméo et Juliette » selon Angelin Preljocaj
Juliette issue de la classe dominante vit dans une Vérone imaginaire, en ruine et menaçante où elle rencontre Roméo, qui appartient, infortuné, à une population soufrant de la misère et corvéable à merci. En dépit d’une telle différence de classe sociale, ils vont devenir amants. Ils s’aimeront malgré les interdits sociaux et une milice armée menaçante qui traque la population, et notamment les deux amants. Roméo et Juliette vont parfois se soumettre jusqu’au jour où ils oseront passer outre contraintes et interdits pour vivre enfin leur amour et fuir d’un monde qu’ils considèrent injuste. Toutefois, leur courage animé par l’amour qu’ils se portent et leur permettra pas d’échapper à leur destin tragique.
La passion amoureuse décrite par Shakespeare est sublimée par le ballet d’Angelin Preljocaj alors que le décor d’Enki Bilal crée une ambiance asphyxiante pleine d’images sinistres et hostiles. L’obscurité emplie la scène et accompagne parfaitement la chorégraphie de Preljocaj. Les scènes viriles, emportées, alternent avec celles pleines de tendresse et d’espoir ou les duos marqués par la sensualité des deux interprètes des rôles de Roméo et Juliette, rappelant la puissance du sentiment amoureux.