A peine arrivé dans la salle de projection, on entre dans le vif du sujet. A l’écran, un homme et une femme sont enlacés à même le sol, enveloppés dans la lumière filtrée par les rideaux de la fenêtre. Comme au ralenti, leurs mouvements sont lents et calmes. Impossible d’entendre les paroles qu’ils s’échangent, le film est muet. Une bande-son, faite de bruitages de feux de bois, de pluie et de sirènes de police accompagne ces images.
Bien que des mots semblent s’articuler sur les lèvres des deux acteurs, les images restent muettes. De fait, c’est comme si nulle parole n’était échangée, si rien n’était dit entre les deux protagonistes. Qui plus est, une seule scène compose cette vidéo : « rien ne se passe à l’écran ». Mais, c’est justement l’intérêt de ce film. Car, si le « dire » parolier et narratif est éclipsé, c’est au profit d’une dimension indicible. La lenteur du montage, la qualité de la lumière, les gros plans sur les visages de la femme et de l’homme, le caractère serein de la première et inquiet du second, les mouvements respiratoires perceptibles à fleur de peau : tous ces paramètres visuels transmettent sans les énoncer des affects et des sensations.Â
A ces éléments expressifs s’ajoute un autre facteur : la bande-son savamment élaborée par Romain Kronenberg. Des crépitements de feux, des gouttes d’eau tombant sur le macadam, des sirène de police au loin, autant de sons qui introduisent une atmosphère ou des tonalités affectives telles que la chaleur, la tristesse ou l’angoisse. Ainsi, la bande-son densifie ce qui dans les images échappe au langage.
On l’aura compris, l’indicible auquel participent les images et les sons de cette vidéo n’est autre que la mélancolie. La lumière douce mais sans chaleur, le ralenti de l’image, le repliement du couple sur lui-même ou encore le bruit de la pluie évoquent les sensations qui parcourent l’individu dépressif : l’effroi, la rupture avec le reste du monde. En tant qu’il suggère la dépression le titre de ce film – Le Soleil brûlera de nouveau au zénith –, est pleinement justifié.
le samedi 16 mai à 19h30 aura lieu à la galerie une performance musicale de Romain Kronenberg et Alice Daquet
Romain Kronenberg
— Meriken Park, 2008. Installation/Display avec vidéo,
bande son, sculpture (metal et Led). Dvcprohd, 16/9, son stéréo
— Le Soleil brûlera de nouveau au zénith, 2009. Video HD 16/9 couleur, son stereo. 11 mn 20’’