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Romain Bernini

Six toiles grand format occupent l’espace de la galerie Métropolis. Les œuvres, sans titre, à l’exception d’une seule baptisée Le Spectacle, figurent des lieux indéterminés, animés d’un ou de plusieurs personnages ou animaux. Romain Bernini peint directement sur la toile, travaillant en stratigraphie, par couches et coulures juxtaposées, puis, jouant sur la transparence de la peinture à l’huile, dessine au pinceau sur la toile des formes vivantes, à moins qu’il ne choisisse de les laisser en réserve. La technique, complexe, est très présente, et correspond à un temps de latence laissé à l’œuvre.

Le choix des couleurs et de leurs accords surprend par son audace. Ainsi dans cette toile où un chien franchit une paroi, peinte comme un Rothko ; à moins que, tel Cerbère, l’animal chimérique ne garde l’entrée du monde étrange décrit derrière lui, dans un crépuscule terrible dont les couleurs rappellent celles du maniérisme italien.
Comme dans la plupart des œuvres, la majeure partie de la toile est une composition abstraite exécutée avec une grande liberté. Sans véritable perspective ni détermination géographique, les œuvres peintes de Romain Bernini combinent des sortes de fonds, ni paysages, ni décors véritables, où l’autonomie des figures disposées là, sans lien apparent avec leur environnement, rappelle le processus de composition des œuvres de Francis Bacon, où ce qui est extérieur à la figure exprime aussi son intériorité.

Ainsi dans Le Spectacle est peint un personnage de dos, figure de l’intériorité et de la mélancolie, et élément récurrent dans le travail de Bernini, qui l’a beaucoup observée dans l’œuvre de Vilhelm Hammershoi ou de Caspar David Friedrich.
Le personnage observe deux chiens gisant, qui occupent le centre de la toile. Dessinés avec une fluidité de trait à la Degas, les deux animaux inanimés sont-ils morts ou simplement au repos ? La figure qui les observe représente-t-elle une menace, a-t-elle un lien avec la scène, ou est-ce plutôt une projection du corps du peintre/spectateur dans la toile ?

Aucune toile de Romain Bernini ne livre de sens précis, pourtant en émane une sensation de solitude et de silence. L’artiste avoue une parenté avec la peinture de Marc Desgrandchamps, non seulement dans la technique de superposition de couches fines de peinture, mais également dans l’indétermination des sujets et la mélancolie qui en émane.
Ce rapport au temps suspendu dans des espaces nus, hors du temps, cette évocation de l’unicité de l’instant (celui où un chien franchit un obstacle, celui du paresseux en apesanteur, celui de la chute d’un homme), font écho à la temporalité particulière de la technique. Au temps suspendu correspond le silence, celui d’une scène nocturne en plein soleil. 

Romain Bernini
— Le Spectacle, 2007, huile sur toile, 160 x 160 cm
— Sans titre, 2007, huile sur toile, 200 x 160 cm
— Sans titre, 2007, huile sur toile, 160 x 160 cm
— Sans titre, 2007, huile sur toile, 250 x 200 cm
— Sans titre, 2007, huile sur toile, 200 x 160 cm
— Sans titre, 2007, huile sur toile, 195 x 130 cm 

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