Morgane Tschiember
Rolls and Bubbles
Comme à son accoutumée, Morgane Tschiember s’attaque à la peinture sans toile ni châssis mais avec un cortège de matériaux renouvelés, ceux de la construction: bois, verre et acier. Je dis volontairement «s’attaque», car la peinture est, pour tout artiste qui la respecte, une question qui relève de l’affrontement.
Avec les Rolls, série d’Å“uvres engagées tout récemment pour son exposition au Crac de Sète, elle affirme elle-même chercher à «mettre la peinture en danger» en se frottant à l’hérésie, au mélange de la peinture à l’huile avec la peinture à l’eau. Défiant les lois de la physique, les deux matières non-miscibles se rencontrent à la surface de deux rouleaux d’inox tramé compressés l’un contre l’autre pour forcer le mélange qui, pourtant, résiste.
De cette violence faite à la peinture par le frottement, l’écrasement mécanique, résultent comme des traces de lutte, les séquelles d’un dialogue de corps antagonistes à la communion impossible d’où seule la couleur sort vainqueur. Face à ces rotatives absurdes qui ne produisent rien d’autre que la mémoire de leur contact, des protubérances semblent éclore de socles laqués blancs à moins que, comprimées entre leurs parois, elles ne cherchent à s’en échapper.
Ébauchée à l’automne dernier, cette série de Bubbles matérialise le souffle de l’artiste en des sphères dont la lascivité apparente n’est que feinte. Issues d’une matière malléable en fusion, les bulles se sont figées dans un état proche de l’informe, ni réellement transparentes ni franchement opaques, elles sont subtilement colorées de reflets roses ou blancs. Là encore, la rencontre de deux matériaux, verre et bois, ne se fait pas sans heurts. L’un brûle l’autre, tandis que ce dernier contraint le premier, et que forme et contreforme se confondent. Le socle n’en est plus seulement un, il fait partie intégrante du processus de formation de l’Å“uvre: les globes sont soufflés contre lui et s’y insèrent autant qu’ils y reposent. Et une fois encore, l’Å“uvre de Morgane Tschiember ne laisse pas de croiser peinture et sculpture en un même mouvement, un appel de la matière, troublé par l’attrait de la couleur, à moins que ce ne soit l’inverse.
Aude Launay
Vernissage
Vendredi 8 juin 2012 Ã 18h