Elisa Pône
Rocking Spectrum
Elisa Pône a toujours aimé jouer avec le feu. «Le feu suggère le désir de changer, de brusquer le temps, de porter toute la vie à son terme, à son au-delà . Alors la rêverie est vraiment prenante et dramatique, elle amplifie le destin humain, elle relie le petit au grand, le foyer au volcan, la vie d’une bûche et la vie d’un monde. L’être fasciné entend l’appel du bûcher. Pour lui la destruction est plus qu’un changement, c’est un renouvellement.» (Gaston Bachelard, La Psychanalyse du feu, Gallimard, Paris, 1949)
Réalité complexe et fugace, la flamme représente «l’ultra-vivant, l’intime, l’universel» et la valorisation des contraires. Mais comment s’y prennent les artistes pour «jouer avec le feu» à l’intérieur d’un espace clos, sans en perdre la contradiction, la portée? On pense à Yves Klein et ses peintures de feu, qui déclarait ne jamais être à proprement parler l’auteur d’une œuvre puisque la beauté existe déjà à l’état invisible. La tâche de l’artiste consiste à la saisir partout où elle est pour la faire voir aux autres hommes: «Mes tableaux ne sont que les cendres de mon art».
Dans l’exposition « Rocking Spectrum », Elisa Pône présente des productions réalisées récemment dans le cadre d’un projet plus vaste, «Alliance caustique, l’écho des spectres» développé à l’occasion de la dixième édition d’Hors Pistes au Centre Pompidou avec le soutien du 12mail Red Bull Space.
Elle s’est servie de la mèche brûlante et de fumigènes colorés qu’elle dispose dans plusieurs boîtes de plexiglas, reprenant l’ordre des couleurs du spectre lumineux: rouge-orange, jaune-vert, etc. Une fois les produits consumés, les réceptacles sont alors marqués par les fumées colorées dégagées.
Le titre de l’œuvre Rocking Spectrum fait aussi écho à la série des Color Spectrum d’Olafur Elliason (2005) qui cherche à explorer et à faire sentir au spectateur la nature et le comportement des couleurs.
En contrepoint à l’imprévisibilité des traces du feu est présentée une dernière série, continuant le travail des Valses, où à l’évanescence du spectre lumineux, est ajouté un peu de matière et de structure. Toujours en finesse, l’artiste cherche grâce à des formes simples, non sans rappeler celles d’une architecture «rétro-futuriste», grâce à des jeux de superposition de plexiglas colorés découpés, à repousser les murs, à nous ouvrir vers une autre dimension de l’espace-temps. A notre pensée associative de choisir si ces œuvres relèvent de la science-fiction et/ou de la méditation.
Parallèlement à l’exposition, la performance Alliance caustique, l’écho des spectres sera donnée à la Friche Belle de Mai, à Marseille le 13 mai. Elisa Pône y invite le compositeur contemporain Eric Arletti à une rencontre synesthésique entre les spectres lumineux et sonores, grâce à l’association d’une combustion pyrotechnique servant de base à une création de musicale spectrale (courant de la musique contemporaine développé dans les années 70).
Valentine Meyer