Un projet protéiforme pour un sujet pluriel : voici Coexistence, de Rocio Berenguer (Cie Pulso). Danseuse, artiste, chorégraphe barcelonaise, Rocio Berenguer compose actuellement un vaste projet multimédia, G5 (2018-2020). Qui n’a jamais entendu parler ni du G8, ni du G20 ; ces sommets où se réunissent les plus puissants de la Terre ? Eh bien, le G5 de Rocio Berenguer redistribue les cartes. Travail de fiction prospective, G5 se situe à la fin de l’Anthropocène. Cette ère géologico-culturelle fulgurante, caractérisée par l’impact des activités humaines sur l’écosystème. Quelque part dans un futur proche, ce G5 est le premier sommet interspécifique. Les humains y sont représentés. Ainsi que les animaux, les plantes, les minéraux, les intelligences artificielles. Projet tripartite, G5 se compose d’une performance (Coexistence, 2019), ainsi que d’une pièce de danse (G5, 2020) et d’une installation (G5_Semic, 2020). Focus sur la performance Coexistence, à découvrir en première au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains (CDA95).
Coexistence de Rocio Berenguer : la performance du triptyque multimédia G5
Performance alliant danse, théâtre, installation et vidéo, Coexistence se concentre sur un aspect de ce G5 : la relation entre l’humain biologique et l’humain digital. Et ce, sous la forme d’un poème, d’un dialogue mis en musique, entre un humain et une intelligence artificielle. Comme l’explique Rocio Berenguer, les trois formes de ce projet transmédia sont les trois formes complémentaires d’un même récit. Trois angles d’approche pour un G5 inter-espèce. Écrite, mise en scène et interprétée par Rocio Berenguer, Coexistence se déploie sur une création sonore de Léopold Frey. Compositeur et développeur, Léopold Frey crée notamment des logiciels permettant des interactions en live et temps réel. Interactions sonores, visuelles, lumineuses… Les textures musicales de Léopold Frey sont spatialisées et contextualisées. Pour une pratique qui oscille entre ingénierie et lutherie électronique. Sous forme de dialogue poétique, Coexistence invite ainsi les publics à repenser les paradigmes anthropocentrés.
Coexistence : un dialogue poétique entre un humain et une intelligence artificielle
En amont du projet G5, Rocio Berenguer a notamment conçu le projet IAgotchi (2018). Un projet un peu particulier puisqu’il s’agissait de la création d’une forme d’entité intelligente plus au moins autonome. Une sorte d’intelligence artificielle du type agent conversationnel. Un être-machine avec qui discuter. Refonte de l’approche existentielle de l’humain, G5 et son volet Coexistence mettent des images, des sons, des voix, des sensations, des gestes… sur un tournant sociétal déjà bien entamé, mais souvent encore un peu abstrait. Le paradoxe de l’intelligence artificielle, et à plus forte raison des agents conversationnels élaborés pour réussir le Test de Turing, c’est qu’ils sont conçus pour être indiscernables des humains. Identiques mais sans le moindre droit. Ce qui peut créer une dissonance cognitive au sein d’une structure sociale fondée sur la liberté personnelle. Un hiatus dont s’empare délicatement Coexistence, en lui insufflant une dimension poétique.
À découvrir en première mondiale au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains (CDA95).