Dans les deux espaces de la galerie Jocelyn Wolff, les objets sont là , posés, existants chacun dans une autre fonction que celle qui leur est destinée, détournés.
Comme dans les œuvres de Robert Filliou le sens ne s’impose pas au premier abord. Il faut observer, voire même toucher, pour découvrir la matière comme dans Orientierungsstreifen de Katinka Bock, où une partie du mur a été poncé, laissant apparaître une surface plus lisse que l’ensemble.
Tout est affaire de détournement: des étagères en métal de Guillaume Leblon qui, placées dans un four, en sont ressorties déformées et noircies, aux plaques de terre cuite de Katinka Bock.
Détournement de la forme ou du sens, les quatre artistes présentés font éprouver à la matière et aux objets le sens du mot «création», en les déviant de leurs fonctions ou de leur forme.
La pierre et la barre métallique qui se chevauchent dans La Pierre du jardinier de Katinka Bock, ou encore la boite de carton suspendue au mur de Robert Filliou, convoquent le pouvoir évocateur des objets, chargés de leur histoire, exposés loin de toute utilité pour devenir objets poétiques où le sens n’est plus une fin mais une recherche perpétuelle.
Si, au premier abord, les éléments exposés semblent disparates, l’ensemble constitue un étrange laboratoire d’expérimentation, de recherche, comme en témoigne la série de photocopies de pages d’un livre sur les minéraux de Joëlle Tuerlinckx, agrémenté de quelques fragments de matière faisant écho à d’autres travaux de l’artiste.
Ici, ce sont les composants même de la création que l’on interroge, des objets aux matériaux, de leur interaction commune ou de leur positionnement dans l’espace. Katinka Bock mesure ainsi la hauteur de la salle avec Rapprochement à la verticale, où une tige de métal recouverte en partie d’une gaine de cuir prend la mesure exacte du sol au plafond d’un appartement moderne en comparaison à celle de la galerie.
De la même manière, Joëlle Tuerlinckx mesure l’espace dans lequel se présente l’œuvre avec son Mètre flottant, qui, recouvert d’une poudre phosphorescente, s’anime une fois dans l’obscurité.
Par des moyens différents, ces installations remettent en question les fondements même de la création, prolongeant ainsi les interrogations de Robert Filliou sur l’insignifiant et l’incertitude, et la création d’un rapport poétique au monde.Â
Joëlle Tuerlinckx,
— Planche explicative, série Minéraux et roches et papiers d’atelier, 2008. 8 planches. 50 x 66,5 cm.
— Mètre flottant, 2008. Corde, poudre phosphorescente. 89,4 cm.
— Bâton-Barre Blanc, 1976-2006. Branche d’arbre, blanc de titane, 140 x 4 cm.
— Volume d’air, Bruxelles, Montpellier, Lisbonne, Anvers, Paris, 1999-2008. Métal et plastique. 47 x 33 x 47 cm.
Katinka Bock
— Orientierungsstreifen, 2008. Intervention sur le mur. 50 cm par ponçage.
— Rapprochement à la verticale, 2008. Cuir et métal. Taille variable.
— First Piano, 2008. Terre cuite. 55 x 75 x 75 cm.
— Le premier Jardinier, 2008. Pierre et tige de métal.
— Trio, 2008. Pierres. 23 x 24 x 23 cm.
Guillaume Leblon
— Set of Shelves, 2007. Métal et verre.
Robert Filliou
— Untitled, 1969. Seau et assiette. 29 x 30 x 22 cm.
— Untitled, 1969. Boîte en carton, bois, colle page de livre. 12 x 14,5 x 4 cm.
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