Bertrand Stofleth
Rhodanie
Le travail photographique de Bertrand Stofleth semble s’être particulièrement attaché à révéler l’identité de la rive, en suivant avec méthode la course du Rhône à ses alentours. Il construit le dialogue entre le paysage fluvial et l’espace frontière qui le borde. Il en souligne les formes d’occupations, de transformations hétéroclites, d’aménagements provisoires, de sorte que le fleuve qui n’y perd rien en majesté se voit au contraire affublé de petits riens qui le détourne des errements du sublime.
Cheminant à bord d’un véhicule équipé d’une nacelle élévatrice, le photographe se trouve toujours à même hauteur. Ce protocole visuel unifie le long trajet du glacier à la Camargue. Identité de point de vue – à la fois surplombant mais conforme à l’esprit apaisé d’une «vedute» – qui ne standardise toutefois pas les images tant les axes varient et les sites eux-mêmes se diversifient. On pourrait sans peine concevoir le point de vue d’un belvédère, où mieux, si l’on compare le fleuve à un spectacle permanent, concevoir la position d’un balcon de théâtre. Le point où tombe la vue est ainsi toujours précis, mais il est hybride: c’est à la fois celui du topographe et celui du dessinateur, du peintre ou du photographe. Le sentiment de l’interprétation s’ajoute à la rigueur du relevé, et c’est cette dialectique qui gouverne Rodhanie: précision des rendus et opération imaginative.
Chacune des vues est un portrait de rive. Et chaque rive est une scène, ou plus exactement, il s’y joue quelque chose que le photographe a choisi de privilégier en choisissant le moment de la prise de vue, en sollicitant l’obligeance d’un passant ou d’un pêcheur, en insistant pour obtenir une autorisation, en obtenant l’aimable participation d’un résident, en demandant de reprendre une pose, de rejouer une action… Rhodanie est ce monde imaginaire des rives, et que le photographe travaille à bâtir des paysages qui n’existaient pas avant que les rives soient consacrées.
De ces paysages à la fois grandioses et minuscules, l’art en a donné des exemples. Les scènes mythologiques apparaissent en menue et la natures gigantesque, renversant l’ordre des priorités de la représentation. C’est ici la leçon de Poussin. Pour consacrer le genre du paysage en soi il fallait réduire à prétexte les «sujets» nobles – c’est-à -dire mythologiques – les ramener à la portion congrue de l’espace en privilégiant la hauteur de vue. Celle-ci était une ruse, mais elle permit, en effet, de faire de la nature un sujet et non plus un décor. Bertrand Stofleth emprunte ce chemin là de la ruse mais il la renverse: les magnifiques vues à la chambre se donnent d’abord pour des paysages documentaires, puis à petite échelle l’animation des humains vient jouer sa participation. Dans l’art des rives la nature devient politique.
Michel Poivert, historien de l’art
Repères biographiques
Né en 1978, Bertrand Stofleth est un photographe français. Après des études universitaires en Histoire de l’art et Arts du Spectacle à Lyon, il sort diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles en 2002. Ses recherches artistiques portent sur les modes d’habitation des territoires et interrogent les paysages dans leurs usages et leur représentation.
Informations
Du mercredi au samedi de 14h30 Ã 19h
Vernissage le jeudi 26 novembre à 18h30
Galerie Le Bleu du Ciel
12, rue des fantasques – 69001 Lyon
Renseignements: 04 72 07 84 31
www.lebleuduciel.net