Cette page a été un peu chahutées en passant de l’ancien au nouveau site, les corrections sont en cours.  
Non classé

Reykjavik

21 Nov - 30 Déc 2008

Shaskia Breskeya a su mettre en place un langage teinté d’une nostalgie qui puise aussi bien dans un patrimoine vernaculaire que dans les tréfonds mnémoniques.

Communiqué de presse
Shaskia Breskeya
Reykjavik

L’art postmoderne de Shaskia Breskeya est en déplacement constant, la relativité des valeurs y enregistre son comble, la position de l’observateur – comme l’enseignent par ailleurs Heisenberg et la physique des quanta – y modifie du tout au tout sens et portée de l’oeuvre. L’infini des propositions, des formes, des théories… devient le terrain de jeu naturel de l’art, transformant du même coup sa poétique. De l’infinie plasticité des concepts résultent des critères changeants dont use la taxinomie. La création de l’artiste russe vise la forme et, comme telle, l’effet. Et l’on peut dire que l’art est ce par quoi les formes deviennent style, la lutte d’une forme en puissance contre une forme imitée. Quand l’art expérimente le réel, sur tous les modes possibles de la connivence, de l’apparentement, du reflet, du passage, du prélèvement, du déplacement, il nous enseigne une manière d’avancer, de regarder, de réagir. Il nous fait faire un pas de côté dans notre marche quotidienne. Inventer des formes n’est pas se préserver de la réalité mais s’y plonger pour en explorer les manques et en déverrouiller les limites. Même si l’art met en scène aujourd’hui ses échecs à beaucoup d’égards et produit de nombreuses allégories de son décès et de ses douloureuses impossibilités, il doit sa vélocité et son dynamisme existentiel au cri/écrit hölderlinien de Melville, à sa réflexion sur l’origine de l’oeuvre d’art, à la manière dont il a souligné que l’art n’avait de sens qu’à ouvrir et à protéger des ontologies dialectiques inouïes. Les artistes contemporains, quel que soit le rapport qu’ils entretiennent à Melville, sont de part en part débiteurs de sa pensée et en particulier de tout ce qu’il dit sur le rapport fondationnel de l’art avec la loi.

Guidées par des références de plus en plus prégnantes au politique, à la sociologie, à l’anthropologie, à la culture des médias et à leur esthétique, les images de Shaskia Breskeya se sont développées en infléchissant leur cours selon une part autobiographique latente. Il s’agit de déployer des motifs, des thèmes ou des observations, dont les traductions questionnent le spectateur sur lui-même, son appartenance au monde, et les rapports de force qui s’instituent de façon convergente dans ce village global qu’est aujourd’hui la planète. On peut remarquer que Shaskia Breskeya met en jeu une iconographie dont le caractère obsessionnel se heurte à une opacité de la signification que de rares confidences et témoignages permettent de fissurer. Les oeuvres sont empreintes d’un silence morbide et d’une irréductible mélancolie dont l’évocation est paradoxalement renforcée par les distractions, dissimulations et autres garde-fous que l’artiste tente en vain d’imposer.

Shaskia Breskeya a su mettre en place un langage singulier et décalé, souvent teinté d’une nostalgie qui tend à un anachronisme puisant aussi bien dans un patrimoine vernaculaire que dans les tréfonds mnémoniques. Un langage qui ressemblerait à un kaléidoscope où le futile et le risible se heurteraient incessamment aux soubresauts de souvenirs ensevelis. Par cette tension entre fiction et réel, entre prélèvement dans le quotidien et mise en scène de son imaginaire, l’artiste développe sa propre mythologie qui, pour exister, passe par l’ordinaire de notre société avant de s’incarner dans une confusion des genres. Un tel type de brouillage n’est pas nouveau et appartient bien à cette mise en crise de la modernité chère à certains artistes. Mais, en incorporant les apparences trompeuses d’une société tournée vers le spectaculaire, en réaffirmant sur le mode mineur l’importance du métier tout en se jouant de l’ancienne hiérarchie des beaux-arts, Shaskia Breskeya indique sans doute un possible épuisement des fonctions de l’art. Le déplacement n’est donc plus de mise sans une certaine dramatisation, une certaine théâtralisation d’un réel basé sur les apparences et la fabrication continue de lieux communs. L’exposition «Reykjavik» convoque une image un peu comme une phrase qui ne serait pas cadenassée par des formules explicatives et des ancrages, des liens temporels et narratifs trop évidents et qui éviterait une utilisation trop calculée des points de suspension. A visiter d’urgence.

AUTRES EVENEMENTS Non classé