Communiqué de presse
George Dupin, Edith Roux
Rêves de Cités, de Brasilia aux gated communities
Au moment où sur la planète les nouvelles villes s’accroissent à un rythme effréné, Edith Roux et George Dupin proposent un travail photographique concernant des choix d’urbanisation a priori fort différents : le développement des gated communitie (enclaves résidentielles privées) qu’Edith Roux a approchées en Arizona et en Californie, à l’occasion d’un séjour aux USA*, est-il à l’opposé de l’ambition qui a présidé à la création de Brasilia, ‘rêve’ de cité idéale initiée à la demande du président Kubitschek par Lucio Costa et Oscar Niemeyer, une Brasilia que George Dupin nous montre ici sous un jour plus quotidien.
Les photographies d’Edith Roux sont prises à l’extérieur de gated communities, ces lieux de résidences sécurisés, entourés d’enceintes, murs, clôtures ou autres et gardés par des caméras de surveillance, avec des milices privées qui en contrôlent l’accès réservé aux résidents et à leur visiteurs. L’accession à la propriété dans ces résidences est soumise à des critères sélectifs tels que niveau de revenus, âge, appartenance ethnique, pratique d’un sport, etc…, les règles de vie y sont régies strictement par les homeowner associations. L’ensemble des ces réglementations est rassemblé dans les CC&Rs (convenants, conditions and restrictions).
Edith Roux choisit de se photographier à l’extérieur de gated communities de la middle-class américaine. La répétition de formes architecturales quasi-identiques évoque un entre-soi qui caractérise une communauté socialement homogène. Le cadrage permet au spectateur de se projeter dans le personnage, vu de dos, intégrant ainsi l’espace de la photographie, tandis que la silhouette du sujet se prolonge de façon imaginaire dans l’espace d’exposition et renvoie le spectateur à sa propre extériorité.
Ce travail photographique s’accompagne d’une note burlesque, par le biais d’une vidéo très courte, comme un ‘cliché animé’ volé à ces cités ‘interdites’. Les espaces murés des gated communities, symptomatiques de l’enfermement ou de l’exclusion, ont tendance à se propager sur l’ensemble de la planète. Face à cette urbanisation discriminante, Edith Roux soulève la question de l’évolution de nos démocraties occidentales et de ses dérives sécuritaires. Cette ségrégation spatiale en fonction de groupes sociaux ou raciaux remet-elle en cause notre expérience de l’altérité, nous prive-t-elle de la richesse de la rencontre avec l’Autre ?
Luc Baboulet, à propos des photographies de George Dupin, réalisées à l’occasion de deux résidences à Sao Paulo, Brésil :
‘…Parmi ceux des autres artistes qui s’intéressent à la dimension monumentale de Brasilia (Dupin, Reisewitz, Colomer), le travail de Georges Dupin est le plus intéressant à examiner en parallèle à celui de Lucien Hervé : il est à la fois contre et tout contre celui-ci. Dupin revient sur les mêmes lieux, il s’intéresse lui aussi à la ville comme scénographie, et il en rend compte, tout comme Hervé, par des photographies de petit format. Mais la photographie est ici conçue bien plus comme un petit bloc d’information, dont la teneur peut être très variée : au total, une série de petites scènes, bien plus que le grand décor de la démocratie.
Le théâtre urbain, même monumental, est un dépôt de choses et d’événements dans lequel le photographe agit comme ramasseur et chroniqueur, non plus comme témoin devant l’éternel. Et l’on regarde les petits formats de Dupin comme lui-même semble avoir observé ce qui s’y trouve photographié : on s’approche, on s’éloigne, on accommode ; on se demande ce que c’est, ce qui se passe, et même, bien souvent, ce qu’il faut regarder. Quel est au juste le sujet ? Y a-t-il même un sujet, quelque chose comme un point focal ?
C’est que Dupin ne privilégie aucune échelle ni aucun objet, les associant en séquences hétéroclites qui défont aussi bien les hiérarchies urbaines que celles du regard. Mais ce qui demeure, et se trouve à chaque fois conforté par le point de vue rasant qu’il adopte, c’est la planéité de la ville. Sa consistance, toutefois, est très différente (et complémentaire) de celle que lui confère Pinard : non pas le sol (la terre du plateau) mais une surface (la scène du pouvoir). Ce qui frappe ici, c’est la qualité artificielle du site : son aspect proprement tabulaire, et la manière dont tout être ou toute chose semble simplement s’y trouver posé..’
Luc Baboulet, in Brasilia, Chandigarh, Le Havre, 2007, éditions Somogy.