Erró
Rétrospective Erró
Erró compte parmi les figures importantes de l’avant-garde européenne des années soixante et, dans l’histoire de l’art de cette période, son nom est associé non seulement au renouveau de la figuration picturale, à travers l’invention de tableaux-collages à visée critique ou satirique, mais aussi au mouvement des happenings et à la vague du cinéma expérimental. Bien que souvent rattaché à des groupes artistiques, comme le surréalisme, la figuration narrative ou le pop art, il n’est réductible à aucun d’eux.
Créer, pour Erró, c’est depuis la fin des années cinquante faire de l’existant la matière première de son travail. C’est récupérer des matériaux — textes, images ou objets — pour les détourner et leur donner une signification inédite. C’est inscrire ces éléments hétérogènes dans de nouvelles configurations ou de nouveaux récits. L’artiste est l’auteur d’un très grand nombre de collages d’illustrations, matrices et modèles de toutes ses peintures jusqu’à ce jour, mais il a également réalisé des assemblages, sortes de collages tridimensionnels, et plusieurs films, équivalences temporelles des collages. À l’occasion, il lui est arrivé également de se transformer en écrivain en pratiquant le collage littéraire.
Erró est un inconditionnel et un virtuose du collage. Il réalise ses premiers collages, les collages-dessins tragi-comiques de la série Radioactivity, à Jaffa en 1958, mais c’est à Paris, en 1959-1960, avec la série des Méca-Make-Up, compositions mêlant machines et pièces usinées à des visages de mannequins que, premier entre tous, il entreprend de transposer en peinture plusieurs de ses montages d’illustrations. Il faudra cependant attendre l’année 1964, et l’immersion de l’artiste dans le flot ininterrompu des images de masse à New York, pour que cette technique de composition à deux temps se systématise et que le collage devienne la clé unique de fonctionnement créatif et de production de toute son œuvre.
Pénétré de cette idée que «tout, absolument tout, a déjà été photographié, filmé, dessiné», Erró n’aura dès lors de cesse de se livrer à un travail patient, et ludique, de compilation, de questionnement et de retournement de toutes ces images–signes (bandes dessinées, caricatures, affiches de propagande politique, publicités, reproductions d’œuvres d’art, estampes érotiques, cartes postales, etc.) qui saturent l’espace social et supplantent la réalité. Partout où ses voyages le mèneront, de Paris à Bangkok ou Formentera, autres lieux de vie et de travail à partir des années soixante-dix, en passant notamment par Amsterdam, Londres, Moscou, Rome, Cuba, Hong Kong, Tokyo, Stockholm, ReykjavÃk ou Berlin, Erró recueillera des milliers de documents visuels susceptibles d’alimenter son Å“uvre. De la confrontation et de l’assemblage de ces images, il élaborera des milliers de collages et de toiles, regroupés en séries, d’une grande variété et souvent d’une grande complexité, répondant ainsi, à sa manière, aux excès de la «surmodernité contemporaine».
À l’heure d’internet et de la «globalisation-googlisation» du monde, l’œuvre d’Erró, riche et foisonnante, a acquis une nouvelle actualité avec ses «banques de données», ses «copier-coller», ses «flux d’images et d’informations».
L’exposition du musée d’art contemporain de Lyon se propose d’en suivre le développement et d’en aborder les multiples aspects. Le premier étage du musée se consacrera à la période la plus ancienne de la carrière d’Erró, les années 1955-1964, qui verront la montée en puissance des images «ready-made» dans sa création et la constitution de ce langage si particulier qui est encore le sien aujourd’hui. Les deux autres étages suivront une trame chronologico-thématique, présentant diverses séries picturales ou des supra-séries, telles les «scapes», les «portraits» ou les «peintures d’histoire», qui reviennent à intervalles réguliers. Le parcours s’achèvera sur des œuvres récentes d’Erró.
Danielle Kvaran
Commissaire invité
Danielle Kvaran
Commissaire général
Thierry Raspail