Dityvon
Rétrospective
Pour donner un coup de projecteur à ce projet original de maillage du territoire à partir de la collection du CRP, le centre présentera dans ce cadre, du 22 novembre 2008 au 25 janvier 2009, une rétrospective consacrée à Claude-Raimond Dityvon, connu sous le nom de Dityvon, cet artiste photographe trop rapidement disparu le 3 juin dernier, et tant regretté.
Après une parenthèse cinématographique (1985), Dityvon photographie de nouveau ce qui lui tient à coeur, la vie quotidienne de chacun et témoigne alors de l’activité industrielle et minière de toute une région, le Nord Pas-de-Calais. Cet intérêt particulier pour l’ordinaire trouve son expression en 1986 avec la commande photographique du Centre régional de la photographie Nord Pas-de-Calais et l’édition du livre Humeurs de la ville. Pendant plusieurs mois, Dityvon vient à Douchy-les-Mines. Il saisit, sans jamais la provoquer, ni la modifier, l’étrange dramaturgie spontanée du quotidien.
«Dityvon représente dans l’évolution de la photographie française une référence majeure . Appartenant au registre des photographes appelé par certains de «style documentaire», il mène un projet personnel, obstiné et solitaire. Cela semble bien insuffisant pour expliquer le relatif oubli dont il est l’objet depuis une décennie.
Dityvon entre en photographie au moment de la «révolution culturelle» que connaît la France à la fin des années soixante. Il en propose une lecture encore aujourd’hui pertinente. Ses premiers reportages sont consacrés aux crises: les bidonvilles, Mai 1968, Lip, la marée noire… et à la vie au quotidien: les paysans, l’homme au travail, les vacances, la famille. Dityvon s’engage aussi dans l’aventure collective de l’agence Viva dont il est le co-fondateur. La diffusion de cette production à travers la presse surtout, et quelques expositions permet à toute une génération de s’interroger sur le sens de la vie et de la photographie et sur les rapports de l’image et du visible{…}
La photographie de Dityvon s’enracine résolument à une confluence culturelle. En terme d’humanisme mais aussi de traitement subtil de l’espace et du mouvement, elle appartient à une mouvance française et participe à l’approfondissement de son identité. Par ailleurs, Dityvon intègre avec beaucoup d’élégance l’apport américain, en particulier lorsqu’il envisage des moments décisivement creux. Mais avant d’être photographique, la culture de l’auteur a été cinématographique. On n’insistera jamais assez sur le rôle qu’a joué le cinéma dans son expérience visuelle: la prise en compte de la lumière, la mise en perspective du sujet dans l’espace, et surtout la mise en évidence du temps subjectif du photographe.
L’indiscutable réussite de Dityvon, réside dans la manière dont il transcende le réel dont il s’empare, dont il passe «au-delà des apparences», pour, dans un même mouvement, nous rendre sensible au monde mais aussi nous en proposer une approche riche et complexe. Cette lecture est manifeste d’une réelle poétique qui sollicite intelligence, inconscient et sensibilité. Un autre versant du talent de Dityvon vient de sa grande maîtrise d’un couple aussi contradictoire: la veine contemplative et la veine expressionniste. C’est là le signe d’un art à maturité.»
Pierre Devin, Jean-Luc Monterosso, Dityvon: Le toucher du regard 1967-1993, éd. Paris Audiovisuel, CRP Nord Pas-de-Calais, 1993