La galerie Durand-Dessert, pour le premier vernissage de la saison, tente de réparer une injustice. Elle veut sortir des limbes l’artiste qu’elle défend depuis vingt-cinq ans, Michel Parmentier. Le communiqué de la galerie s’étonne de cette mise en quarantaine muséale, mais surtout critique. Pour lutter contre cet oubli, elle propose une rétrospective. Le retrait de l’artiste de la vie artistique, comme sa disparition récente dans l’indiférence, ont favorisé cette mise à l’écart tant théorique qu’événementielle.
Le nom de l’artiste émerge et se confond avec le groupe culte autant qu’éphémère, à peine un an, BMPT (Buren, Mosset, Parmentier et Toroni). C’est avec quatre expositions, quatre «Manifestations», pour reprendre les termes des artistes, que le groupe explose médiatiquement. Pendant cette année marathon de 1967, ces trublions insuffleront un vent réformateur et désapprobateur sur l’Ecole de Paris jugée dépassée.
Les châssis, la peinture de chevalet, sont bannis et sont désormais trop insuffisants pour ces hérauts du modernisme. Faisant fi de la tradition (en prenant pour cible la figuration, pour aller très vite), et renouant avec une certaine idée de l’avant-garde (comme Matisse, Mondrian), ils vont s’astreindre à un art programmatique à l’instar en littérature de l’Oulipo.
Au lieu d’écrire un roman privé de la lettre E, ils vont, à l’instar des seigneurs féodaux, se parer d’un blason immédiatement reconnaissable et reproductible. Comme Queneau écrivant et réécrivant cent fois la même histoire d’une manière différente, ils vont reproduire le même motif jusqu’à satiété.
Collant avec leur époque, rapprochant peinture et littérature, ils développent un art héraldique. Buren avec ses bandes de 8,7 cm verticales, Parmentier avec ses bandes horizontales, Mosset avec ses cercles et Toroni avec ses empreintes de pinceau plat n° 50 espacées de trente centimètres, ils créent une grammaire formelle ascétique.
Proclamant fièrement sur des tracts «nous ne sommes pas des peintres» lors de la «Manifestation 1» au Salon de la Jeune Peinture, leur art se construit contre, il se veut en rupture.
Les actes artistiques qu’ils proposent, comme l’agitation médiatique qu’ils entretiennent, permet de sortir de la peinture. Ils se concentrent sur le contexte artistique et ciblent l’institution et le territoire. Fruits de la contestation, un an avant mai 68, leurs œuvres sont des charges contre cette tradition qui s’endort sur son passé, qui se repose sur ses lauriers et qui oublie d’être un laboratoire du progrès et de la nouveauté.
Renonçant à la facilité, Michel Parmentier s’astreint à une forme constituée de pleins et de vides. L’alternance des couleurs (1966: rayures blanches et bleues; 1967: rayures blanches et grises; 1968: blanches et rouges), le balayage systématique de rayures, font de son oeuvre un sacerdoce autant qu’un renoncement.Il arrête de peindre en 1968, il y reviendra dans les années 80. Sensibilisé aux théories de son époque, son travail programmatique tend vers l’absence, le retrait.
L’impasse ne semble pas avoir été surmontée, comme chez Buren qui, quoi qu’on en dise, se renouvelle sans cesse, même avec des contraintes constantes depuis plus de trente ans, comme tend à le démontrer la rétrospective récente à Beaubourg.
L’exigence de Parmentier s’accorde mal à la révision historique présente. L’embêtant est qu’il semble avoir tout dit depuis le début, et son ascétisme esthétique, même si il est sincère et plein de probité, tourne rapidement à l’aridité. Il n’est pas victime de sa célébrité mais enferé dans un discours, ou même une absence de discours, qui devient argutie quand il est la seule matrice du travail.
Le centre de son travail est le renoncement, l’absence, ce quelque chose qui n’est pas à voir mais à découvrir, mieux à aller chercher. Sortir de l’atelier, du musée, de la galerie, ne s’intéresser qu’au rythme, ne voir qu’un rythme, une succession, semble être le bon mode d’emploi. La modification comme chez Butor dans son roman éponyme est toute intérieure. Comme le passager du train de nuit Paris-Rome, le paysage défile devant nos yeux, mais le grand changement, le grand bouleversement est tout en retrait il est caché.
Michel Parmentier
— une œuvre sur papier, 1965.
— Toile (bleue et blanche), 1966.
— Toile (grise et blanche), 1967.
— Toile (rouge et blanche), 1968.
— 6 toiles libres (noires et blanches), de 1983 et 1984.
— ensemble d’œuvres sur papier, de 1986 à 1991, techniques différentes.