Créée et présentée en 2015 au Festival d’Avignon, Retour à Berratham se présente comme une « tragédie épique contemporaine » trouvant son origine dans un texte commandé par Angelin Preljocaj à Laurent Mauvignier qui évoque les conflits interethniques dans l’ancienne Yougoslavie. Retour à Berratham poursuit littérature et danse après L’anoure à partir d’un texte de Pascal Quignard (1995) et le solo Le funambule inspiré d’un texte de Jean Genet (2009).
Retour à Berratham : un thème littéraireÂ
Le texte de Laurent Mauvignier prend pour thème le retour d’un jeune homme dans sa ville natale de Berratham. Ravagée par la guerre entre communautés religieuses, celui-ci parcourt la ville à la recherche de l’être aimée, Katja. Il croise alors témoins et belligérants de la guerre civile, et prend progressivement conscience des plaies à jamais ouvertes et des stigmates laissés dans les corps et les mémoires, de « l’onde vibratoire de la guerre qui perdure dans les corps », selon l’expression de Laurent Mauvignier.
Sur scène, Retour à Berratham réunit onze danseurs et danseuses, accompagnés de trois comédiens, donnent vie au texte de Laurent Mauvignier en tentant d’interpréter véritablement ce dernier. Car Retour à Berratham se veut la rencontre de la danse et de la littérature, des gestes et du texte, et non la seule et simple combinaison de la danse et du théâtre. Angelin Preljocaj précise d’ailleurs : « Je voulais retrouver le récit du Cid sur la bataille, avec un narrateur qui fait basculer l’imaginaire (…) je voulais réunir le texte et le mouvement, faire danser les mots. »
Retour à Berratham : entre danse et littérature
Pour « réunir le texte et le mouvement », Angelin Preljocaj a choisi une chorégraphie en quelque sorte soutenue par le récit. Les trois acteurs qui, chacun, incarnent successivement les personnages du texte de Laurent Mauvignier, jouent le rôle de récitants. Retour à Berratham est fait de descriptions de leurs actions et de situations dialoguées, et oscille entre événements passés et actuels, alors que les danseurs interprètent ces derniers, prolongeant ainsi le récit.
Récit dont la scénographie du plasticien Adel Abdessemed rappelle d’ailleurs la tragique noirceur. Une carcasse de voiture et des sacs poubelle noirs, dans un terrain vague entouré d’un grillage, sont ici des éléments de décor symboliques, autant d’évocations des fils de fer barbelés, des points de contrôle militaires, et des paysages dévastés d’un pays en guerre.