Fille et petite-fille de marionnettistes, la chorégraphe et interprète Nina Santes a l’habitude de tirer les ficelles des différents aspects de ses spectacles, de la danse au chant. Elle a déjà produit plusieurs pièces : Transmorphonema (2015), Self-Made Man (2015), Hymen Hymne (2018), Pyrame et Thisbé et A Leaf (2020). Elle revient cette année avec République Zombie, aux côtés des interprètes Betty Tchomanga et Soa de Muse.
République Zombie : danser la sidérationÂ
République Zombie s’ouvre sur la réaction à un événement auquel le spectateur n’a pas assisté. Parmi des ruines, les trois interprètes demeurent figées, sidérées, estomaquées, ne sortant de leur torpeur qu’après un long et lent déploiement de danse et de chant. La chorégraphe Nina Santes s’est inspirée d’une gestuelle propre au corps zombie – dépossédé de sa propre conscience mais mu par un effrayant élan automatique – pour refléter l’état physique du traumatisme et de la dissociation. Face à un choc trop grand, le corps dissocie en effet l’esprit de ses sensations et de sa mémoire, pour survivre à la souffrance infligée. A la fin du spectacle, les interprètes reprennent possession de leur corps et de leur vécu; elles se remembrent et se remémorent.
République Zombie : une mise en alerteÂ
Le spectacle interroge ce que Roland Barthes décrivait comme un « engourdissement du temps, de l’action, du monde entier », incarné par la figure du zombie. A chacun de projeter le choc à l’origine de cet état. La genèse haïtienne de cet imaginaire zombie, issu du vaudou africain, ramène à un contexte d’aliénation esclavagiste, façonné par la violence coloniale. Mais cette sidération fait plus globalement écho aux brutalités que s’infligent les individus entre eux, celles que leur imposent les grands événements historiques, celles qu’ils subissent au sein des systèmes politiques, économiques et sociaux qui les entourent. République Zombie se présente ainsi comme un apprentissage du réveil, de la résilience, de la mise en alerte.