Les Valentin aiment ponctuer leur saison d’expositions chorales, quand la parole des anciens rejoint celle des jeunes artistes. C’était déjà le cas dans Featuring. Cette exposition intitulée Reproduction rigoureusement exacte réédite la formule. Des figures tutélaires (on retrouve les Duchamp, Picabia, Man Ray et Bellmer), d’autres plus satellites (Jean Crotti et Jacques Villon) et les nouveaux visages de l’art contemporain international (Aurélien Froment, Andrew Mania, Christopher Orr) viennent composer un plateau plutôt hétéroclite entre peintures, œuvres graphiques et sculptures.
Une constante revient dans l’exercice de cette programmation. La filiation, assumée ou lointaine, entre deux générations. Entre cette génération d’artistes contemporains ayant absorbé la fin de l’art et la fin de l’Histoire, digéré l’héritage postmoderne, les influences du minimalisme et plus récemment de l’esthétique relationnelle, cette génération qui reçoit aujourd’hui des signaux inquiétants d’une société pliée par le désenchantement, la filiation donc entre cette génération et celle qui a fait vivre le Surréalisme, peut-être l’objet le plus fascinant du siècle passé. D’où le paradoxe, en tout cas l’interrogation qui surgit du commentaire: comment équilibrer le dialogue entre anciens et modernes? Et dans l’inévitable comparaison qui s’installe, la question suivante: les anciens sont-ils réellement ceux que l’on imagine?
A ce jeu de regards croisés, pas de perdants. Reproduction rigoureusement exacte plaide justement pour le brassage des images, la rupture avec l’ordre hiérarchique. Et pour la fin de l’autorité de l’Histoire, la fin de ses valses hésitations. D’un artiste que l’on croyait oublié, revient le même plusieurs siècles après avec une vigueur que l’on ne soupçonnait pas. Grunewald, Greco parmi tant d’autres.
L’inverse est également de mise et le marché de l’art en est la preuve au quotidien, comme une «loterie aveugle fait sortir les uns et ruine les autres» remarquait Marcel Duchamp. C’est aussi pour cela qu’aujourd’hui, Jean Crotti a toute sa place près de ses compères Duchamp, Man Ray et Picabia. Qu’Édouard Archinard, l’écrivain-boxeur et par moment peintre, vient se loger au même fronton. Reproduction rigoureusement exacte archive sans opérer de tri.
L’exposition n’en est pas pour autant iconoclaste, au contraire. Elle soumet l’idée que la filiation de génération en génération constitue le cœur de la transmission des cultures. Sans oublier que cette filiation porte également le germe de la contestation du modèle.
Peindre aujourd’hui est un acte qui prend en compte autant le classicisme de la méthode que sa critique, sérieuse ou amusée telle que la concevait Picabia et avant lui Ingres, Courbet ou Manet. Sculpter n’a plus la même force tragique depuis que Duchamp a bousculé le langage de la sculpture. Et avant lui, Rodin ou Brancusi.
A défaut de voir clair dans la forêt de signes qui nous parviennent, l’art contemporain aura au moins fait fi des systématismes et imposer avec lui un regard transversal sur l’histoire de la création. Non pas pour servir du « mieux-disant culturel », s’ouvrir à l’universalisme ou aux outsiders de l’art par bonne conscience mais bien pour élargir des perspectives, plonger dans d’autres horizons et cueillir le miel dans le bon, le moins bon, dans l’étrange et l’inédit comme dans les sentiers largement balisés.
L’art contemporain n’est pas sectaire, cette exposition non plus.
Hans Bellmer
— Portrait d’Henri Michaux, 1957. Huile sur panneau. 65 x 42 cm
Christopher Hanlon
— Untitled (Burst Balloons), 2008. Huile sur toile. 30 x 40 cm
Michael Bauer
— JMJ Burwasser, 2008. Plâtre, résine, bois , verre. 188 x 45 x 60cm
Andrian Ghenie
— Pie study 4, 2008. Huile sur toile. 60 x 70 cm
Marcel Duchamp
— Marié, 1934. Aquatinte colorée. 50 x 31 cm
Jacob Robichaux
— Yellow key, 2008. Acrylique, graphite, lin, clous, paille, fil, bois. 55,8 x 45,7cm
Aurélien Froment
— Maquette pour l’entrée en scène, 2009. Bois, peinture. 65 x 36,5 x 24 cm
Man Ray
— Tableau à ton goût, 1929. Huile sur toile. 71 x 84 cm