Système Castafiore
Renée en botaniste dans les hyperboles
Où la science et la technologie sont au service d’une bande de joyeux interprètes qui entraînent les spectateurs dans leurs univers merveilleux et jubilatoire.
Pour Karl Biscuit et Marcia Barcellos, le duo complice du Système Castafiore, envoyer cinq danseurs en exploration sensorielle jusqu’au plus profond de la mémoire d’une femme, Renée, ne relève pas de l’exploit scientifique. C’est tout simplement la magie de la scène, qui rend visible grâce à la lumière, l’image, les accessoires et autres machineries anciennes ou du dernier cri, les infimes mouvements de l’inconscient. Ainsi surgissent des paysages, des fragments d’histoire, des bribes de souvenirs, tout un monde cotonneux, lacunaire ou troué de réminiscences, selon le niveau de conscience du sujet. Dans cet objet artistique non identifié, où l’humour d’un discours pseudo-scientifique le dispute à la métaphysique et au merveilleux, le seul principe qui compte est celui du plaisir. Joie de danser. De créer un univers théâtral, musical, gestuel semblable à un rêve éveillé. De partager avec le public la jubilation du spectacle et de ses artifices, tout en s’interrogeant sur la complexité de l’âme humaine.
par Isabelle Calabre
Conception, composition musicale: Karl Biscuit
Chorégraphie, costumes: Marcia Barcellos
Décors, infographie: Jean-Luc Tourné
Informatique son et images: Emmanuel Ramaux
Régie générale et lumières: Jérémie Diep
Costumes: Christian Burle
Avec: Caroline Chaumont, Sylvère Lamotte, Tuomas Lathi, Cédric Lequileuc, Sara Pasquier
Repères biographiques
Système Castafiore ou l’intelligence du risque
Il n’y pas de hasard, il n’y a que des rencontres. Celle qui, en 1986, eut lieu entre Karl Biscuit, musicien, compositeur, metteur en scène, et Marcia Barcellos, danseuse-chorégraphe-chanteuse issue de l’école d’Angers sous la direction d’Alwin Nikolaïs, donna naissance quelques années plus tard à Système Castafiore lequel occupa immédiatement une place particulière dans le vaste panorama de la jeune danse française de l’époque. Marcia Barcellos, qui héritait de Nikolaïs le goût du cinétique, y apportait sa poésie du visuel, un univers où volumes, formes et couleurs se recomposent au gré d’une fantaisie toujours en éveil. Karl Biscuit y ajoutait une réflexion très contemporaine sur le désenchantement du monde, marquée à la fois par une distance ironique et une grande vulnérabilité. Tous deux gardaient de leur expérience avec le collectif Lolita un esprit de liberté au sein d’une équipe.
Karl composait une bande-son faite de bouts de dialogue, de bribes de chansons ou de mélodie, d’onomatopées fonctionnant comme un scénario sonore auquel venaient s’adapter les images chorégraphiques créées par Marcia. Avec intelligence et un vrai sens du spectacle, Système Castafiore apportait à la scène chorégraphique contemporaine, un contenu aux multiples échos, libre d’interprétation. Ainsi, d’Aktualismus en 1989 à Outrenoir, la création 2004, en passant par de véritables opéras comme L’Office des longitudes, une poétique théâtrale devenue outil d’investigation, s’est peu à peu mise en place.
L’accent mis sur l’interdisciplinarité -danse, musique, scénographie- et les objets utilisés qui ne sont jamais là par hasard, tout participe à ce foisonnement de sens possibles. Derrière les personnages inhabituels, corps marchant à l’envers ou flottant dans les airs, bras ou jambes s’allongeant vers l’infini, les certitudes commencent à vaciller et le doute s’installe. Chaque spectacle de Système Castafiore, tout en revendiquant un goût du métier et du savoirfaire, s’apparente à une joyeuse méditation.
En effet, à la différence d’autres artistes pour qui le sérieux du propos doit aller de pair avec le sérieux de la forme, Système Castafiore délivre ses subtiles perceptions sur un mode ludique. «refaire le monde en s’amusant», telle est sa devise. Mais le divertissement n’est qu’apparent et le rire jamais anodin. Il relève plutôt d’une conscience aigüe d’habiter un univers dont la connaissance ne sera jamais que fragmentaire. C’est un rire-diagnostic provoqué par le spectacle du monde tel qu’il va avec ses petitesses et ses trafics en tout genre, auquel s’ajoute néanmoins l’espoir de lui trouver une cohérence. Car le travail de Système Castafiore, traversé par une prodigieuse bonne humeur et une poétique sans pareille, est celui d’une présence au monde qui refuse le cynisme. Et le rire passe comme un feu purificateur.
par Sonia Schoonejans
Informations
20h30
Salle Jean Vilar
Public à partir de 10 ans