An Kaler
Rencontres Chorégraphiques. Contingencies
Création
Dans Insignificant Others, présentée aux Rencontres chorégraphiques en 2012, An Kaler proposait une pièce où trois danseurs ne se rencontraient pas, et où pourtant se dégageait un espace commun, grâce à une façon d’être absolument là , tout en semblant ailleurs, grâce à cette même manière de ne jamais être au centre et de former des figures qui jouent entre elles par la vitesse, le rythme, les lignes.
La chorégraphe poursuit la même recherche avec Contingencies, en ouvrant son espace à de nouveaux interprètes.
Ici, An Kaler cherche les différences : celles qui adviennent chez un individu lorsqu’un mouvement habituel subit une déviation inattendue —torsion du pied, membres coincés, appuis étranges, léger désordre, chacun semblant redécouvrir l’inconnu du mouvement, une façon inédite d’habiter l’espace, de se débattre avec soi-même; celles qui résident dans l’interaction de cinq interprètes, qui s’essayent et s’ajustent avec pour partenaire la musique électronique, parfois stridente, parfois sourde, et la lumière qui jouent un rôle live central.
Les corps se croisent, s’observent, s’emboîtent et s’éloignent en prenant leur temps, imperceptiblement, loin de la fulgurance et de la fusion, loin de la lutte. Il s’en dégage un sentiment de pureté et d’abstraction, mais une abstraction tendue, vibrante, énigmatique.
Elle creuse ainsi son sillon, qui questionne la différence et le naturel, au cœur-même des détails, des mouvements ténus, des gestes qui cherchent.
Ici les à côtés, les moments de silences, les façons d’entrer sur le plateau ou de se tenir à la lisière, bord cadre comme on dirait en photo ou au cinéma, construisent la chorégraphie, l’espace et les relations. An Kaler creuse ainsi l’espace entre, celui dans lequel une relation peut s’installer —ou pas. En suivant des lignes multiples et simultanées, la pièce oscille entre amplifier les positions individuelles et favoriser les moments de rassemblement quand un groupe se forme, apparaît.
Dans Contingencies, l’autre reste un autre, irréductiblement, étrange étranger qu’il faut apprivoiser et avec lequel il faut apprendre à composer.