Communiqué de presse
Philippe Perrin
Remix
Les dandys furent, au cour du XIXe siècle, la rencontre d’une angoisse métaphysique, d’un contexte historique et d’une mode anglophile, presque anglomane en France. Le culte de la Beauté, de l’élégance, l’extrême attention portée aux questions d’élégance tendirent les existences de Georges «Beau» Brummell, de Lord Byron, d’Oscar Wilde et de tant d’autres. Mais cette recherche esthétique ne fut sans doute que le symptôme d’un mal plus aigu, plus profond, qui caractérise autant, sinon plus, le dandysme. La recherche d’un Idéal et le profond dégoût d’une société médiocre et veule.
Baudelaire le décrit comme une attitude à la fois temporelle et spirituelle s’exprimant par un élitisme traquant le vulgaire et la bêtise, à la manière de Barbey d’Aurevilly, virulent et superbe arbitre de son temps. Il fut également une quête. Une quête à la fois temporelle et spirituelle, mue par la recherche intransigeante de la subtilité, de l’excentricité ; une quête en forme de course effrénée contre le temps.
Le temps qui passe, fanant les visages et élimant le velours, ensevelissant l’être dans l’oubli, est sans conteste, l’ennemi intime du dandy. Seul adversaire taillé pour l’affrontement: l’Art. Créateur iconoclaste et polymorphe, le dandy fut parfois peintre, écrivain ou poète (maudit ou adulé), mais il sacrifia généralement l’oeuvre plastique ou littéraire à une autre, plus absolue: sa personne. Sujet et objet de ses expérimentations éthiques et esthétiques, le dandy forge son propre mythe dans le chaudron brûlant de ses angoisses et de ses décadences, de son plaisir et de son affranchissement de la norme.
Que les premiers travaux de Philippe Perrin se soient déployés autour d’Arthur Cravan, poète et boxeur, esthète du scandale au raffinement brutal, vivante incarnation de la volonté rimbaldienne («Il faut être absolument moderne»), neveu d’Oscar Wilde, imposent de façon flagrante la filiation de l’artiste avec cette étrange et éclectique phalange métissant les anachorètes aux ultramondains, les désespérés chroniques aux insouciants noceurs.
Perrin, dandy postmoderne à l’humour corrosif et au lyrisme explicite, démiurge mystico-trash au sourire de faussaire façonnant un univers pétri à la sueur du ring, au sang des idoles du grand banditisme, à la légende noire et dorée du rock’n’roll, aux relents nauséabonds d’un monde qui n’en finit plus de se saccager lui-même. Perrin, alchimiste sulfureux des tautologies exténuées où s’épuise notre société.
Perrin, manipulateur hors pair du cynisme ambiant, contrefacteur irrévérencieux d’images cultes, potache hédoniste et décomplexé se mettant en scène façon délinquant de l’art contemporain, hybride improbable mi-Scarface, mi-James Dean, mis aux arrêts par Nicolas Bourriaud et un collectionneur.
Perrin, contrebandier de la pulsation sociale, trafiquant «d’hyper-objets» pour la liturgie de notre désormais hyperréalité, nourrie à la confusion du réel et du virtuel ; flingues et menottes géants corroborant en toute désinvolture les hypothèses chères à Baudrillard sur la perte du signe dans un monde qui n’est même plus en crise, mais juste en proie à un irréversible processus catastrophique, à un gigantesque dérèglement de toutes les règles. Dans un monde où tout, vérité, travail, culture, information, sexe, langage, mémoire, événement historique, oeuvre d’art, autrui…, se voit frappé par le principe d’incertitude engendré par la dérive exponentielle du signe et la perte du sens, où le moindre concept se délaie jusqu’à l’absurde, noyé sous le prodigieux vertige des analogies, la facticité et les simulacres, à grand renfort de super, d’hyper, de cyber, de toute une artillerie sophistiquée de prothèses sémantiques.
Si l’imposture et l’illusion deviennent plus vraies que nature, si le réel est phagocyté par le fictif, si les événements dépassent la vitesse du sens, que reste-t-il à vivre ? Déambuler dans la galaxie Perrin et accepter son invitation à ne pas prendre des messies pour des lanternes peut être une voie possible…