Les murs blancs, le carrelage ancien et le rideau pêche et or brillant de mille feux brouillent subtilement la perception. Le traditionnel cube blanc de la galerie est ici mis à mal par la lumière extérieure du soleil qui embrase le rideau et l’espace de mille reflets changeants. Ce travail sur la lumière, les reflets, les couleurs et l’espace retient l’attention, tandis que les sequins ou paillettes créent une atmosphère légèrement kitch, mi-maison-close, mi-bazar chinois.
Taillé sur mesure pour la galerie, le rideau met en spectacle le mystère supposé caché derrière lui, et introduit à une interrogation sur ce qui définit le lieu d’exposition.
Derrière le rideau, Charlotte Moth a disposé dans un seul cadre une petite sélection de photographies en noir et blanc qui font partie d’un tout, Le Travelogue: sorte de banque de clichés photographiques mêlant architecture, bâtiments ou objets de style moderniste.
L’ensemble constitue une sorte d’étude sur l’espace architectural à partir d’un patchwork de lieux et par le biais des liens imaginaires et sentimentaux qui se tissent entre les différentes époques.
Tous en noir et blanc et de même format, les clichés d’une grande modestie de taille, de technique et de sujet traduisent une obsession de la ligne, de l’ordre, de la construction et du vide.
Charlotte Moth crée également des relations et des déplacements entre son travail photographique et ses installations du rideau dans les espaces d’exposition, en photographiant le rideau et en l’intégrant dans Le Travelogue.
Ainsi photographié en noir et blanc, le rideau perd en monumentalité, en couleur et en luminosité pour se fondre dans un corpus photographique répétitif. Ses brillances et ses couleurs perdues deviennent l’apanage du seul public in situ.
Toutefois, intégrer l’image d’une œuvre (installation) dans une autre œuvre (Le Travelogue) établit une continuité, un déplacement de l’art dans de l’art.
Au sous-sol, deux vidéos présentent indépendamment les propos de deux femmes — une théoricienne de l’image et l’artiste Sadie Murdoch — qui analysent une même sélection de photographies du Travelogue.
N’ayant ni créé, ni choisi les images, ce sont de pures spectatrices dont les commentaires renvoient plus à leur propre regard qu’à la démarche de Charlotte Moth qui, dans un second type de déplacement, abandonne tout pouvoir au regardeur qu’elle tente peut-être ainsi intégrer à son travail…
Liste des œuvres
— Charlotte Moth, Behind every surface there is a mystery: a hand that might emerge, an image that might be kindled, or a structure that might reveal its image, 2010. Installation composée d’un rideau à sequins réalisé sur mesure, dimensions variables.
— Charlotte Moth, images for Maeve Connolly and Sadie Murdoch, 2010. 24 photographies argentiques noir et blanc, 98,5 x 90,5 cm
— Charlotte Moth, Counter work one, Schaufenster Project Space, 2009. Photographie argentique noir et blanc, 28,9 x 35 cm.
—Charlotte Moth, Counter work two, Bloomberg Space, 2010 Photographie argentique noir et blanc, 28,9 x 35 cm.
— Charlotte Moth, Sadie Murdoch, 2009, photo-film, noir et blanc, son, 11’ 30. Photo