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Regarde-moi

PPhilippe Coubetergues
@12 Jan 2008

Huit propositions sur le thème fédérateur du regard. Ces sollicitations anti-spectaculaires et toujours singulières du regard nous rappellent avec justesse de ne pas nous laisser aveugler.

Yann Delacour réunit autour de lui huit artistes pour une exposition collective organisée à la Galerie Alain Le Gaillard. Huit propositions sur le thème fédérateur du regard. Regardons-les.

Dans la vitrine de la rue Mazarine, une série de huit portraits masqués (ceux des artistes invités) s’affirme comme l’enseigne de l’exposition tout en fonctionnant comme sa mire. Ce sont des bustes photographiés de face dont les visages sont recouverts d’une pâte épaisse : se trouvent soustraits au regard les traits de l’identité de ces huit individus que l’on imagine recueillis derrière ces masques occupés à cet introspection (ce regard intérieur) nécessaire et commune à toute démarche artistique. La partie cachée de ces images viendra se révéler sous une forme tridimensionnelle dans le parcours de l’exposition ; disposés sur le sol, les masques démoulés des visages conservent l’empreinte en creux de ces traits dérobés au regard qui retrouvent ainsi leur relief dans la céramique colorée de Carole Brand.
Yae-hee Choi diffuse, sur un moniteur de l’entrée, une vidéo en plan fixe de sa propre ombre portée que recueille une feuille de papier blanc posée sur le sol. Une cigarette allumée est jetée sur la feuille, et déjà le dessin se consume déclenchant l’irrévocable disparition de l’image. Une fois encore c’est la matérialité même du visible qui se trouve mise en question.
L’image picturale dépend également de cette matérialité à la fois opaque et transparente de la peinture. C’est ce que nous dévoile aveuglément les toiles d’Emmanuel Régent. Le subtile recouvrement de l’image peinte par un voile monochrome, repousse le visible au cœur même de la matière, au seuil de sa subtilisation définitive au regard. L’œil s’affranchit des apparences, creuse l’écran, pénètre les strates, s’accommode de l’obstacle monochrome pour satisfaire partiellement au besoin, son désir insatiable de voir.
Nathalie Delbard (associée à Karine Bonneval) aborde la question des apparences physiques en habillant ses sujets de prothèses couleur chair et en les photographiant dans des moments révélateurs d’absence ou de perte de contrôle.
Saveria Vicarini photographie dans une échelle incertaine des paysages de peau et de chair où le modelé du corps apparaît sous les traits d’un relief inexploré.
Yann Delacour joue également sur les effets d’une échelle incertaine pour mettre en scène ses petites figurines. Apparaissent sous nos yeux d’inquiétants mouvements de troupes, des soldats Yankee joués trop sérieusement par une armée de Playmobil.
Rebecca Young fascinée par les phénomènes optiques du perceptif et de son enregistrement mécanique, capte dans le reflet d’un œil d’or, l’image que vient solliciter son éclat.
Enfin, sur un écran plat suspendu au mur, le tableau-vidéo d’une image hypnotique détourne votre attention. Une masse colorée se met en mouvement, une ligne s’étire, s’effrite, se rompt, le rouge épais de l’image se répend, les textures se transforment : de la peinture en mouvement. Ce n’est en réalité que l’image vidéo ralentie et renversée des mouvements du liquide dans un verre de vin rouge.

Toutes ces sollicitations anti-spectaculaires et toujours singulières du regard agissent presque préventivement. Elles nous rappellent avec justesse de ne pas nous laisser aveugler.

Sur une proposition de Yann Delacour :

Rebecca Young
— Llaria al mare, 2003. Photo couleur. 78 x 90 cm.

Saveria Vicarini
— Corps 1, 2003. Photo couleur contrecollée sur alu, sous diasec. 80 x 120 cm.

Emmanuel Régent
— En travaux…, 2003. Acrylique sur toile. 81 x 100 cm.

Yann Delacour
— Évolution 3, Campagne Venet, 2003. Photo couleur contrecollée sur alu, sous diasec. 60 x 80 cm.
— Évolution 3, Campagne Eléonore, 2003. Photo couleur contrecollée sur alu, sous diasec. 60 x 80 cm.

Nathalie Delbard

— Dormir debout, 2002. Photo couleur plastifiée contrecollée sur pvc. Dimensions variables.
avec Karine Bonneval
— Absences n°12, 2002. Photo couleur sous plexiglas. 30 x 45 cm.
— Absences n°18, 2002. Photo couleur sous plexiglas.. 30 x 45 cm.

An-Chi Liu
— Apocalypse, 2003. Vidéo, 15’.

Yae-Hee Choi

— Donne moi la liberté, 2003. Vidéo, 4’27.

Carole Brand

— Portraits, 2003. Série de 8 photos contrecollées sur aluminium. 24 x 36 cm.
— Portraits, 2003. Série de 8 céramiques. Dimensions variables.

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