Simon Starling
Red Rivers
À l’occasion de l’échange «Berlin-Paris» avec la galerie neugerriemschneider, Kamel Mennour présente «Red Rivers» une exposition personnelle de l’artiste écossais Simon Starling.
Cela fait maintenant quinze ans que Simon Starling développe une oeuvre aussi magique que singulière. Qualifié de contextuel et de processuel, son travail privilégie l’activité, le «pendant» du geste artistique et non l’unique aboutissement d’une forme au sein de l’espace d’exposition.
Force est de constater l’inversion. Car si en général, la fin justifie les moyens, chez Simon Starling, ce sont les moyens qui justifient la fin. Cependant même dans ce retournement de situation, l’objet final n’en n’est pas pour autant négligé. Il acquiert la valeur d’indice, de trace, de trame narrative. Ainsi se dessine une méthode singulière, particulière de pratiquer l’art.
Chacun des protocoles poétiques de cet artiste sont discursifs pour ne pas dire romantiques. Les oeuvres s’apparentent à des contes contemporains directement
déduits du réel, ancrés dans l’histoire. Chaque projet embraye littéralement des pans entiers du passé, plus ou moins oubliés, et ce dans la perspective de les prolonger, de les compiler et de les sampler avec notre monde, ici et maintenant.
Les deux pièces présentées à la galerie Kamel Mennour sont d’ailleurs emblématiques de cette invitation au voyage poétique. Intitulée Three Birds, Seven Stories, Interpolation and Bifurcations, la suite photographique, exposée dans la première salle, s’articule autour d’un ensemble de versions à la fois réelles et fictives, d’une même histoire, celle de l’architecte allemand Eckart Muthesius.
Entré au service du jeune maharadjah Yeswant Rao Holkar (1908-1961), ce dernier eut pour mission de lui édifier un palais incroyable, un Gesamtkunstwerk à la pointe du design et des technologies de son temps. Avec une alchimie complexe, la variation d’images proposées présente un enchevêtrement de lieux et de destins; un univers, qui bien que réel, rappelle celui de Jorge Luis Borges, un univers où Constantin Brancusi, Fritz Lang, Marcel Breuer, Le Corbusier se croisent, et où l’Allemagne, l’Italie et l’Inde résonnent à l’unisson.
Produit l’année passée et présenté dans la seconde salle de la galerie, le film Red Rivers (in the Search of the Elusive Okapi) fédère quant à lui les récits de deux périples situés à exactement un siècle d’intervalle. En 1909, Herbet Lang prend part à une expédition au Congo, organisée par le Musée d’histoire naturelle de la ville de New York, en tant que zoologue et photographe. Documentée via des photographies sur plaques de verre, cette excursion sera pour l’artiste le point de départ d’un travail qui nécessitera trois années de recherche. C’est en effet grâce à ces clichés montrant pour la première fois un Okapi vivant, et par la fabrication d’un canoë hautement improbable (de par les matériaux contradictoires qu’il métisse – bois de noyer et bandes de peau grise imitant le pelage de l’Okapi), inspiré des embarcations traditionnelles des indiens d’Amérique, que Starling superpose les temps et les cultures avec un art maîtrisé de la boucle.
Après sept jours de voyage, sur plus de 250 kilomètres de North Adams (Massachusetts) à New York, ce dernier déposera son canoë sur le perron du musée d’Histoire naturelle, afin qu’il prenne place au coté du Diorama de Lang consacré à l’Okapi.