Michael Riedel
Record, label, play back (malentendu, ignorance, doubles flous)
Cette exposition est la chronique de l’espace Oskar von Miller Strasse 16 (2000-2011), lieu artistique devenu célèbre en tant que dispositif de reproduction géant. Suivant la devise «enregistrer-labelliser-rejouer», un groupe de jeunes artistes se mit à reprendre le langage de l’offre culturelle de la ville — souvent sans comprendre pleinement les choses qu’ils récitaient, mais en témoignant toujours un vif intérêt, sur le plan esthétique, pour les défauts de transmission et de transfert.
Michael Riedel explique sa démarche dans le livre Re-entry, dont voici un extrait (Oskar Book, 2014):
« C’était mon idée de base lorsqu’en 2000, j’ai loué une maison avec Dennis Loesch, Alina Grumiller et Ursula Schöndeling dans la rue Oskar von Miller à Francfort sur le Main pour y fonder l’espace Oskar von Miller Strasse 16. Construit de plain-pied et doté de deux grandes vitrines, ce lieu offrait une vue imprenable sur les activités se déroulant à l’intérieur, à savoir la reproduction d’activités provenant du paysage culturel de la ville alentour. Cet espace vide est pourtant parvenu à rester intéressant aux yeux de ceux qui l’observaient, à les tenir en haleine, allant même parfois jusqu’à tromper dans ses interprétations le public ainsi séduit.
Contrairement aux efforts culturels réalisés dans d’autres lieux, l’espace Oskar von Miller Strasse 16 est devenu un enregistreur qui se contentait de rejouer son offre culturelle et d’attendre, avec impatience et non sans admiration, de pouvoir observer les réactions qu’elle provoquait.
Ce qui ailleurs était donné à vivre en « version originale » prenait ici place sous la forme d’une « version B », impliquant du même coup l’existence potentielle de versions C, D, E, F, G, H, etc. Un champ de « non-réalisé » voulant être appréhendé uniquement selon sa différence vis-à -vis du « réalisé ». La part d’arbitraire était parfaitement assumée, tout comme le refus des responsabilités — il devait s’agir d’un phénomène naturel. Enregistrer– labelliser–rejouer constituaient l’équivalent de la nullité créative absolue.
Présenter des situations quotidiennes et leur reproduction consécutive me semblant être dans l’air du temps, je me mis à fouiller dans les poubelles d’un musée d’art avec des amis pour réutiliser l’installation d’un autre artiste que l’on avait jetée là (Jim Isermann), j’enregistrai un tourbillon croissant de propos sans importance (Bar Oppenheimer), je traitai l’écrit non plus en tant que littérature mais comme matériau, pour réécrire et modifier les textes existants afin de faire une différence (Benjamin von Stuckrad-Barre), je refusai d’être dominant (Legendary Orgasm), je sacralisai la dyslexie (Turiner Grabtuch – Le Suaire de Turin), j’exploitai la mascarade (Club(b)ed Club), j’investis l’aberrant (Damenkloparty – Fête dans les toilettes pour dames), je découvris des doubles flous (Filmed Film), j’analysai des systèmes trop complexes pour faire l’objet de traitement théoriques ou de formules (Spekulative Ausstellung einer im Original stattfindenden Zukunft – Exposition spéculative d’un futur ayant véritablement lieu), je lançai des expériences temporelles alternatives (Beidseitige Uhr mit entgegengesetzten Laufrichtungen und variabler Geschwindigkeit – Horloge à double face et à vitesse variable avec sens de la marche contraires); ou encore j’activai une chasse d’eau au milieu d’une exposition (Wassertest –Test à l’eau), poursuivant une approche purement esthétique et faisant de l’art, en concevant la reproduction non plus seulement comme produit mais plutôt, au sens large du terme, comme un processus pouvant être stoppé à tout moment, à n’importe quelle étape, afin de marquer la distance alors parcourue depuis le point de départ.»