Philippe Bazin
Reconstruction
Loco présente un travail inédit à Paris de Philippe Bazin. Composé d’un ensemble de 12 tirages et d’une vidéo, cet ensemble s’est constitué au cours d’une résidence, en 2012, à la Galerie Marcel Duchamp à Yvetot. Seront également présentés son livre d’artiste Reconstruction et les exemplaires spéciaux accompagnés de tirages originaux et de dvd limités.
Philippe Bazin a souhaité développer une proposition autour de l’Å“uvre d’Annie Ernaux, elle-même originaire d’Yvetot. Loin d’illustrer par ses photographies une Å“uvre littéraire, l’artiste a choisi de considérer ce que porte, entre autres, cette voix littéraire singulière: une voix venue des milieux modestes sans considération dans la société. Une voix qui s’avise d’une culture autre que la grande culture, celle dont il est question dans Les années.
Bazin a photographié Yvetot dans cette optique, ce qui dans la ville ne relève pas de la culture bourgeoise, mais plutôt d’une culture populaire et «vernaculaire», la manière aussi dont les traces d’une vie passée et d’une vie présente s’entremêlent. Annie Ernaux aborde notamment la reconstruction d’après-guerre dans ses premiers livres alors qu’elle arrive à six ans dans une ville en gravats. Philippe Bazin a travaillé sur cette question alors que l’architecture d’Yvetot est sans qualité particulière, contrairement au Havre ou à Amiens.
Le montage photographique, transformé en un long travelling filmique, intitulé Reconstruction, en est issu. Ainsi que le livre d’artiste produit par la Galerie Marcel
Duchamp, livre qui en reprend dans l’ordre toutes les photographies.
«Beaucoup de choses à Yvetot m’ont rappelé ma propre vie d’enfance dans mon village de campagne, c’était partout troublant. Tout cela m’a demandé un effort inverse à celui d’Annie Ernaux, celui dont elle parle dans Les armoires vides, car je viens d’un milieu privilégié de la bourgeoisie notable de province, milieu dont j’essaie toujours de me déprendre. Ce travail photographique a été celui d’une introspection assez puissante. Toute la question de la langue est chez Annie Ernaux extrêmement discutée. J’ai donc essayé de discuter ma propre langue photographique. Si elle utilise dans ses livres la photographie dans un sens proche de Roland Barthes, privilégiant la vie intime et l’album de famille, je n’ai pas oublié non plus qu’elle se réclame dans ses influences de Pierre Bourdieu et d’une sociologie à la fois empathique et distanciée. J’ai donc utilisé une attitude documentaire qui s’entremêle à une déambulation hasardeuse dans la ville. Cette déambulation est une conduite photographique nouvelle pour moi, pour laquelle j’ai pris environ mille cinq cents photographies, ce qui est énorme de mon point de vue. Mon propre comportement dans le travail en a été déplacé, et c’est son travail à elle qui a sans doute suscité cela, en dépit de moi-même.» Philippe Bazin