Recherches en Esthétique n°13. La relation au lieu

Présentation
Directeur de la publication et de la rédaction : Dominique Berthet
Recherches en Esthétique n°13. La relation au lieu

Editorial de Dominique Berthet

«Poser les questions du lieu et de notre relation à lui, c’est s’interroger sur l’un des facteurs déterminant de l’existence. Le lieu n’est pas neutre, mais silencieusement actif. En tant que milieu, il renvoie à l’ensemble des conditions qui entourent et influencent ce qui s’y trouve. Le lieu est à la fois site, espace, étendue, environnement, contexte. Il est aussi ambiance, atmosphère, climat, rythme, palpitations, odeurs, sons, sensations. Le regard que l’on porte sur le monde, de même que la perception que l’on a des choses sont en partie liés à l’environnement dans lequel on se trouve et dans lequel on évolue.

Comment vit-on le lieu ? Quels rapports entretenons-nous avec lui ? Du point de vue de l’art, quel rôle joue-t-il ? Quelle influence exerce-t-il sur l’artiste ? Comment l’artiste à son tour l’appréhende-t-il ? Comment y intervient-il ? Quelles traces y laisse-t-il ?

La question de la relation au lieu est complexe tant cette relation peut prendre des aspects divers voire opposés. Sans souci d’exhaustivité, évoquons d’abord la diversité du lieu. Lieu retiré ou lieu d’effervescence, lieu de solitude ou de rencontre, lieu privé ou collectif. Espace réel ou lieu espéré, rêvé, fantasmé. Ici ou ailleurs. Résultat d’un choix, d’une contrainte, ou d’un concours de circonstances. Lieu quitté, perdu, regretté, pour lequel subsiste une nostalgie. Lieu refuge, de rêverie, de réconfort, de ressourcement ou lieu de tension, d’hostilité, de crainte, d’effroi.

La relation au lieu est largement ouverte à la diversité des vécus, des ressentis et des émotions : lieu aimé ou détesté, accepté ou subi, apportant bonheur ou tristesse, plaisir ou désespoir. Lieu agréable dans le moment présent mais qui un jour, peut-être, deviendra insupportable en raison des épreuves de l’existence, de la façon de les affronter, de les surmonter ou non. Habiter le lieu, en faire l’expérience, l’éprouver, le ressentir, le vivre. S’immerger en lui ou vouloir s’en extraire, s’y adapter ou vouloir le fuir. Le lieu est toujours subjectivement vécu. La relation au lieu est dynamique, évolutive, ouverte sur le devenir.

Immobile, le lieu n’est toutefois pas inerte. Il est pourvu d’une puissance spécifique. Il nous suscite. Il éveille nos sens et nos émotions. Il nous imprègne, nous habite. Il peut aussi nous bouleverser, nous troubler, nous dérouter, nous transformer. Il agit sur notre pensée et sur notre imaginaire. Le lieu détermine un certain rapport au monde. On ne sort pas indemne de notre relation au lieu ou de la rencontre d’un lieu marquant.

Ce sont ces aspects que traitent les vingt-quatre articles qui composent ce treizième numéro de Recherches en Esthétique . Une première série de textes aborde la question de la relation au lieu au travers d’une expérience – parfois personnelle – du lieu ; d’autres évoquent le lieu en tant que monument, musée ou ville ; d’autres encore traitent de certains lieux comme espace de création ; d’autres enfin sont des écrits ou entretiens d’artistes. Ces récits et réflexions éclairent sur la façon dont ces artistes vivent le lieu ainsi que sur leur pratique artistique dans des endroits aussi divers que des friches industrielles, des églises, des espaces urbains ou des sites naturels.

Cette revue, lieu de rencontre et de dialogue entre les domaines artistiques, les sensibilités esthétiques et les cultures, inscrit ce numéro dans une actualité de l’art, des préoccupations et des expériences artistiques. Le lecteur trouvera, espérons-le, dans ces textes inédits de quoi alimenter sa propre réflexion.»