— Directeur de la publication : Dominique Berthet
— Éditeur : C.E.R.E.A.P., Fort-de-France
— Parution : oct. 2004
— Format : 21 x 29,50 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs
— Pages : 192
— Langue : français
— ISSN : 1257-9291
— Prix : 19 €
Éditorial
par Dominique Berthet
Dans un poème célèbre, «L’invitation au voyage», Baudelaire parle de la «douceur d’aller là -bas vivre ensemble» [Charles Baudelaire, «L’invitation au voyage», in Les fleurs du mal, Paris, Le livre de poche, coll. «classique», 1972, pp. 73-74. Il s’agit d’un lieu indéterminé, où tout est beau et où les amants pourraient s’aimer en paix. Dans cet ailleurs fantasmé par le poète tout est «ordre et beauté,/Luxe, calme et volupté»]. Non moins connu cet : «Emporte-moi, wagon ! enlève-moi frégate ! / Loin ! Loin ! ici la boue est faite de nos pleurs». Baudelaire chanta souvent l’ailleurs, ce «paradis parfumé» toujours trop lointain [id., «Moesta et errabunda», ibid., pp. 84-85]. Rimbaud aussi rêvait d’échapper à «l’assez connu», au quotidien, pour trouver «l’affection et les bruits neufs» [Arthur Rimbaud, «Départ», in Poésies, Une saison en enfer. Illuminations, Paris, Gallimard, coll. «Poésie»,1973, p. 165]. Face au réel insupportable, l’ailleurs est promesse d’une autre vie. «Changer la vie» préconisait Rimbaud ; chercher la «vraie vie» autre part, là où l’on pense pouvoir trouver le bonheur. On accorde à l’ailleurs désiré bien des vertus.
Après le thème de «L’Errance», ce numéro de Recherches en Esthétique traite la question de «L’Ailleurs». Notion riche qui renvoie aussi bien au lointain qu’au proche, au voyage, à l’imaginaire, à l’utopie, aux projections, aux aspirations. Cette notion se pare des mille feux de l’inconnu, de la découverte, de l’exploration, de la rencontre, de l’imprévisible, de l’espérance, mais elle peut aussi renvoyer aux affres de l’errance, à la perte, à la fuite ; elle peut évoquer encore la menace et le risque. L’ailleurs, entre magie et crainte, appel et répulsion, possible et impossible, exploration et inaccessibilité ; l’ailleurs vécu, rêvé, fantasmé ; l’impossible ailleurs, l’ailleurs à la fois partout et inexistant, l’ailleurs moteur de la vie, tentation, figure du désir, illusion, leurre…
Ce dont il s’agit ici, c’est de l’ailleurs des peintres, des photographes, des vidéastes, des poètes, des écrivains. L’ailleurs a fait l’objet de nombreux récits de voyage ; les images permettent de le révéler et d’en garder la trace. L’art aussi a souvent intégré l’ailleurs et l’autre comme moyen de ressourcement. Par le passé, le regard sur l’ailleurs a donné lieu à une série d’«ismes», tels que le Japonisme, l’Orientalisme, le Primitivisme et bien sûr l’Exotisme.
Aujourd’hui, quelle est la puissance d’attraction de ce qui n’est pas l’ici ? Les marchands de voyages, d’évasion et de rêves s’appuient sur le désenchantement du quotidien pour offrir de l’ailleurs organisé. Mais tous les ailleurs ne sont pas des destinations touristiques, loin s’en faut…
Ce numéro de Recherches en Esthétique, plus que les précédents, se caractérise par sa dimension internationale. Le sujet certes s’y prêtait, mais il s’agissait aussi de donner à ce dixième numéro un caractère particulier. Ce volume marque en effet les dix ans d’existence de cette revue, qui est parvenue à paraître avec une parfaite régularité et à gagner un large lectorat.
Des auteurs antillais, français, tunisiens, japonais, allemands, américains, etc. proposent des explorations de lieux et d’oeuvres, évoquent des témoignages ou témoignent eux-mêmes. Ces textes nous entraînent entre autres en Haï;ti, en Guadeloupe, à la Réunion, à l’Ile Maurice, au Japon, au Sénégal, au Laos, en Inde, au Mexique, en Irak, en Italie, en Allemagne, au Rwanda, au Cambodge. Présentations de quelques ailleurs ou questionnements sur l’ailleurs, ces articles ont le mérite d’élargir les horizons, de repousser les limites, d’aller à la rencontre, de donner accès à une connaissance de l’autre.
(Texte publié avec l’aimable autorisation de Recherches en Esthétique — Tous droits réservés)
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