Après sa participation en mars dernier au premier salon du dessin contemporain à Paris, Anne Barrault poursuit la défense active d’un médium qui retrouve peu à peu sa place au sein du High-Art.
Quoi de mieux, en effet, que de présenter le travail d’un artiste sévissant dans le monde de la bande dessinée, où l’art graphique constitue un alphabet, pour dynamiser cet élan.
Killoffer travaille généralement en noir, à l’encre de Chine, dont il tire parti pour dégager des zones d’ombre très denses laissant les parties en réserve (blanches donc…) décrire une lumière très franche.
La démarche de cette Récapitulation se révèle un peu différente bien que le travail sur l’intensité des tons de noir soit toujours aussi central. Pas de planches dessinées mais une cinquantaine de dessins individuels au crayon à papier, réalisés spécifiquement dans le but d’être exposés.
Sous plusieurs thèmes interpénétrables on découvre un esprit surréaliste relevant, semble-t-il parfois, du cadavre exquis. J’en veux pour preuve ce livre interminable comme une limousine de Tex Avery dont la couverture est recouverte de poils, ou cette marmite noire charbon et fumante de laquelle on voit luire le blanc d’un œil torve.
Dans un autre registre plus formel des objets anthropomorphiques font penser à Jean Arp et aux formes «dodues» de la période dite classique de Picasso, alors que certains dessins comme celui de cet homme dont la tête est engloutie par un livre relèvent d’un humour subtil qui appelle une parenté avec les rébus de René Magritte.
Si une grande maîtrise technique permet à Killoffer de mettre en page ses élucubrations graphiques, sa démarche d’un ludisme stimulant et finalement très plaisant, n’en est pas moins originale.
On désigne la bande dessinée comme le «neuvième art» après le cinéma et la photographie. Or aujourd’hui, sa popularité auprès des collectionneurs d’art commence à s’établir, certaines planches originales atteignant des prix astronomiques en maison de ventes*, la question de sa monstration dans les lieux de l’art contemporain traditionnels se pose donc de plus en plus.
De plus et au-delà de cela, après l’exposition de David Lynch à la Fondation Cartier, ce contexte d’ouverture aux artistes ne provenant pas strictement du milieu de l’art se pose-t-elle comme une tendance?
Aux vus des respirations qu’elles semblent apporter, elles ne peuvent qu’être bénéfiques à l’art contemporain et à son évolution effrénée.
* Le 24 mars 2007, Bleu Sang dessin original à l’acrylique pastel gras et mine de plomb sur vélin de 90 x 63 cm, du créateur de bandes dessinées Enki Bilal s’est vendu chez Artcurial pour le montant record de 177 000 €.
Killoffer
— Sans titre, 2007. 55 dessins inédits en noir et blanc. Mine de plomb. 30 x 21 cm.