Le visiteur est accueilli par un chien qui mendie. Il semble décidé à subvenir lui-même à ses besoins et cela paraît fonctionner. On sourit. Juste à côté de lui, une main montée sur des jambes en tiges de fer tremble sous l’effet d’un ventilateur. Elle nous indique la suite de l’exposition.
Dans le deuxième espace de la galerie, les sculptures se mêlent aux peintures et aux œuvres comiques. Nous verrons qu’il ne s’agit pas que de cela. Les œuvres de Lotta Hannerz, peintures, sculptures et installations murales, sont riches. Lotta Hannerz est la reine de l’illusion. Une illusion comique qui interroge.
Revenons deux ans en arrière. L’artiste exposait pour la première fois à la galerie Claudine Papillon, Témoin et moi-même. Elle s’amusait alors à jouer avec sa représentation (floue et précise). Mais une œuvre, le Memento mori en forme de fromage, a été dérobée.
Ce fait marque profondément l’artiste. Il est comme l’élément déclencheur d’un questionnement sur la propriété, qui serait le vol. Hannerz représente son personnage récurrent, un grand homme au crâne chauve, devant l’objet manquant, Objet volé. L’homme n’a plus rien à contempler. L’œuvre est dans les mains du voleur. Il y a deux ans, Lotta Hannerz avait écrit au voleur présumé une lettre pour qu’il lui rende discrètement l’œuvre dans un sac en papier. L’œuvre aurait dû servir à l’édition d’un multiple.
La propriété est bien le sujet central de cette exposition. L’artiste nous montre que nous sommes tous des propriétaires de collections. Chacun de nous est en possession d’objets plus ou moins insolites aux valeurs inestimables, sentimentales ou financières. Être propriétaire deviendrait un besoin vital pour l’homme.
C’est ainsi que Lotta Hannerz recompose ses collections. Elle se représente devant un mur rempli de cartons d’invitations. Une véritable collection est alors composée. Une collection de pancartes SVP, j’ai faim est aussi créée. Un ours en peluche, isolé des autres œuvres, pourrait introduire une nouvelle collection de jouets trouvés. Trois objets pointent vers la gauche, une main, une équerre et un faux pistolet. Les collections sont incongrues. Qui collectionne les pancartes des mendiants? L’homme chauve semble attendre, assis sur une chaise, au milieu de la grande salle de la galerie. Son chien est devant lui. Attend-il le retour du Memento mori ?
Les œuvres de Lotta Hannerz sont pleines d’humour, certes, mais cet humour est fin et parfois grinçant. Car l’artiste nous interroge avec décalage et ironie sur les fondements de la collection et son intérêt. Nous, collectionneurs, ne sommes-nous pas tous des voleurs?
Les questionnements de l’artiste suédoise évoluent lors de cette nouvelle exposition. Myope, elle estime que le monde est flou, et nous questionne de manière comique et fine sur nos propres collections.
L’exposition a été conçue à Paris, où l’artiste réside depuis un an, dans le cadre des programmes accordés par l’Académie suédoise des Arts. On peut également voir une de ses œuvres au Jardin du Luxembourg, un nez géant flottant sur l’eau de la fontaine Médicis. Une pièce inédite sera présentée dans un bassin du Jardin des Tuileries à l’occasion de la FIAC 2006.
English translation : Laura Hunt
Traducciòn española : Santiago Borja
Lotta Hannerz :
— Collectionneur, 2006. Huile sur toile. 162 x 114 cm.
— Propriétaire, 2006. Technique mixte. 130 x 68 x 95 cm / 43 x 15 x 41 cm.
— Re collection, 2006. Huile sur toile. 162 x 114 cm.
— 3 points, 2006. technique mixte. 66 x 50 cm.
— Chaise-soi, 2006. technique mixte. 80 x 30 x 30 cm.