La vidéo de Perrine Lacroix « Razika » apporte un éclairage humain très pertinent sur les rapports entre le nord et le sud de la méditerranée, comme un lien qui survole la mer, entre la France et l’Algérie d’après la guerre. Une fois de plus on est frappé par la simplicité, alliée à l’humilité de ce témoignage digne, d’une femme du peuple dans ce qu’il représente de terroir fondateur de culture. Mère de quatorze enfants, mariée sous les auspices de la tradition, qui évince les sentiments personnels, Razika nous rapporte quelques éléments de sa vie où elle ne rencontrait son mari qu’épisodiquement, tous les ans à la période de Noël; où elle le retrouvait de retour de France avec toute la pudeur et la timidité qu’engendre ce type de relations.
Razika «se» et «nous» livre avec une émotion contenue loin de tout pathos une compréhension limpide, qui active notre adhésion, sur ce début des années soixante, où les jeunes algériens partaient travailler sur le territoire français dans des conditions difficiles. Le mari bien qu’absent de l’image, insuffle sa présence à travers les souvenirs de Razika, pourtant si peu nostalgique. Elle évoque ce salaire expédié d’Albertville dont elle ignorait tout de la localisation, qui leur a permis de construire la maison au Bled, pièces par pièces, comme on monte un mur de pierre, lentement… Elle parle aussi des années de terrorisme, de ces hommes descendant des montagnes, inconnus du village, sur lequel ils fondaient apportant la peur et extorquant argent et nourriture.
Sur un deuxième écran les forêts de la montagne sont dévorés de flammes, comme les mouvements de son cœur intérieur, mais cette fois allumés par l’armée régulière cherchant l’effacement des traces. Et Perrine Lacroix autre femme artiste et solidaire du continent, traversée par une autre histoire nous délivre avec une grande évidence, ce décryptage sans atours du beau visage de Razika, ces morceaux de parcours personnel qui en rappellent tant d’autres et annihilent l’oubli.
En collaboration avec le réseau Adèle