Communiqué de presse
Raymond Depardon
Raymond Depardon
Rio de Janeiro, Shanghai, Tokyo, Berlin, Moscou, Addis-Abeba, Le Caire : 7 villes, et le désir de filmer. En réponse à une commande de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, Raymond Depardon porte un regard sur ces lieux qu’il a, pour la plupart, déjà photographiés, avec cette habitude de revenir sur les «lieux du crime», de confronter «ses regards successifs, celui du reporter, du jeune photographe, puis d’un photographe plus engagé, plus expérimenté». De confronter son regard avec lui-même.
Raymond Depardon voyage depuis l’âge de 17 ans : sa carrière de photo-reporter débute en 1958. Et depuis, il arpente la planète, refusant «l’événement», le «spectacle du monde» et privilégiant «le goût du réel, du documentaire, allié avec un refus de l’esthétisme». Il a photographié l’Afrique et New York ; les JO, la chute du mur de Berlin, le monde rural ; il a souvent filmé dans des lieux clos : un hôpital psychiatrique, un commissariat, le bureau d’un substitut du procureur, une salle d’audience. Pour la Fondation Cartier, il avait déjà filmé les Indiens yanomami du Brésil (Chasseurs et Chamanes, 2002) et participé à plusieurs expositions: «By Night» (1996), «Amours<=» (1997), «le désert» (2000). Il dit se sentir chez lui dans le désert. La ville lui fait peur. Il l’a photographiée et filmée, mais dit avoir «des comptes à rendre» avec elle. Pourtant, «avec le désert, la ville est un endroit où l’on peut trouver une certaine solitude. Il n’y a pas trop de regards. C’est un peu un nouveau désert. Un labyrinthe. On peut s’y perdre. S’y retrouver aussi».
Pour son exposition à la Fondation Cartier, Raymond Depardon décide de «réfléchir à son rapport à la ville. Un rapport souvent difficile, d’amour – haine». Bien loin du palmarès des mégalopoles mondiales, l’exposition dessine une géographie sans contraintes.
7×3: 7 projections simultanées de films couleur ou noir et blanc, de 3 à 5 minutes, tournés en 16 mm et projetés en vidéo, en une succession d’images en mouvement et sans son. «Je suis un photographe silencieux.» Silencieux et solitaire. La solitude recherchée du photographe qui se fait le plus discret possible, hésite à s’approcher et surtout tend à rester à sa place, trouver la bonne distance. Pour chaque ville, il filme une dizaine de plans, dont il ne retient qu’un, comme autant de moments choisis par l’auteur. Dans ces villes, il y a une quête. Peut-être de la ville idéale, du moment idéal. Il s’agit de faire abstraction de mon expérience de professionnel de l’image, comme si je prenais la caméra pour la première fois. Faire ce que je veux. Oublier les faits, me vider. Avec une grande liberté. D’ordinaire, il faut toujours avoir des raisons de filmer. Je n’ai pas de raison de filmer, mais une motivation, une envie, un désir. C’est ce qui est à l’origine de cette exposition: le désir de filmer.
Raymond Depardon, 23 août 2004
Juillet 2004, Rio de Janeiro : c’est la première étape de son périple et la seule de ces 7 villes qu’il ne connaît pas encore. Il y découvre une lumière extraordinaire, une ville lyrique. Fin août, il s’envole vers l’Asie. Shanghai et Tokyo: les plus grandes villes de l’Extrême-Orient. Puis l’Europe : Berlin et Moscou, deux villes en pleine mutation, tournées vers l’avenir. Il fallait bien sûr que l’Afrique soit présente dans cette géographie personnelle. Mais une Afrique un peu décalée, témoin de la complicité qui le lie à ce continent : Le Caire, la plus grande ville du Moyen-Orient, à la croisée entre les symboles africains et orientaux. Et Addis-Abeba, une ville que Raymond Depardon aime particulièrement. Des séjours rapides, qui lui permettent de rester fidèle au «premier regard », inimitable, qu’il a toujours privilégié.
En écho aux 7 films réalisés spécialement pour la Fondation Cartier, Raymond Depardon présente 3 films qui complètent ce tour du monde. À Prague, il réalisait en 1969 son premier film, lors des funérailles de Jan Palach, immolé par le feu en protestation contre l’occupation soviétique. Avec New York, NY (1986), il fait le constat de l’impossibilité de filmer une ville, tournant 4 minutes quotidiennes pendant 2 mois. À travers des extraits de Paris (1998), qui hésite entre documentaire et fiction, il offre le portrait d’une ville, en noir et blanc, dans l’effervescence et l’enfermement de la gare Saint-Lazare.
«7 x 3» est la première exposition de films de Raymond Depardon. Il y invente un regard. Une durée. Un point de vue qui se fait à la fois «fenêtre» sur les autres et «miroir», indiquant «sa place, sa personnalité, sa sensibilité». Il dit avoir abordé ce projet avec quelque appréhension. De cette appréhension doublée d’excitation éprouvée avant une première rencontre. Sachant que l’on ne sera plus le même après.