A partir d’un jeu de mots délibérément poussif sur le terme culinaire de «ragoût», l’exposition «Raw Goo» (War à l’envers, Good sans le D…) pourra paraître au visiteur non informé quelque peu indigeste. Ici priorité est donnée au sensitif, plus qu’au sensible. On aura deviné que la nourriture, et son corollaire, la matière, sont les thèmes centraux de l’exposition (un rôtissoire, par Stephen Dean et Anne Deleporte, est même exposé).
Des légumes de saison sur un piano par Agneszka Dellfina mêlent saveur, sens, et sensation artistique, tandis que le grand dessin Daddy and Daddy de Davor Vrankic évoque un Arcimboldo contemporain. Les photographies imprimées sur toile de Hans Gissinger, représentant des peaux de porc rasées, coupent en revanche l’appétit, par la similitude avec la peau humaine et le sentiment de souffrance qui s’en dégage.
Les jeux sur la matière occupent plus volontiers les peintres et les sculpteurs présents dans l’exposition. Ainsi Humberto Poblete-Bustamante ordonnance-t-il des amas de membres humains en référence à l’iconographie culinaire, jouant avec humour de la violence des couleurs. Pour Le Marfan et Spondyla, le thème de la nourriture est l’occasion d’une saynète sculptée en boudins de résine, évocation scatologique de Blanche-Neige et les sept nains réunis autour d’une pomme peu ragoutante.
Provocatrice est également la toile Habeas Corpus de Marcos Carrasquer : dans une manière précieuse mimant la peinture du XVIIe siècle, l’artiste évoque les affres du peintre face à la représentation de la chair. A contrario, les Harengs de Maurice Rocher reprennent la plus pure tradition de la nature morte alléchante.
De cette tradition se rapprochent les obsédants Bocaux anatomiques de Stéphane Belzère. La référence au baroque, âge de la célébration des sens, est présente grâce aux têtes en terre cuite émaillée de Michel Guery. Enfin, un dispositif vidéo de Pascal Frament, In Paradisum, apporte légèreté et poésie à une exposition riche en formes et en matières.
Les photographies de Michel Lunardelli, visibles au lieu d’origine de la galerie (48, rue Chapon), sous le titre «Making of Raw Goo», rendent compte de la soirée « orgiaque » lors de laquelle la maîtresse des lieux, Deborah Zafman elle-même, est apparue en sorcière dans un chaudron, consommée par ses artistes, dans une sorte de recyclage naturel, salutaire au marché de l’art.
Pascal Frament
— in paradisum, 1998. Dispositif vidéo sonore, moniteur, acier, eau. 50 x 60 x 65 cm.
Stéphane Belzère
— Bocaux anatomiques, C-15 C-16. Peinture vinylique sur toile.
— Lama glama 1902-458. Peinture acrylique et vinylique sur toile, 150 x 100 cm.
Agnieszka Dellfina
— ars morendi, lenticular.
Hans Gissinger
— pig skin 1-2-3, 2007. Photographie imprimée sur toile. 96,5 x 145 cm
Stephen Dean & Anne Deleporte
— pollo loco, 2006. Rôtissoire et installation video.
Davor Vrankic
— Daddy and daddy, 2007. Mine de plomb sur papier, 120 x 186 cm.
Guillaume Sebag-Levy
— Quelques pépins en perspective. Huile sur toile, 181 x 122 cm.
Humberto Poblete-Bustmanante
— Theologisticas pictura, 2007. Huile sur toile, 300 x 200 cm.
Le Marfan & SpondylaMirror,
— mon beau mirror…, 2007. Résine patinée. 40 cm (nains), 80 cm (Blanche-Neigre).
Marcos CARRASQUER
— Habeas corpus, 2007. Huile sur toile, 152 x 185 cm. Maurice Rocher
— Harengas, 1956. Huile sur toile, 96 x 94 cm.
Michel Gouery
— Harengas, 1956. Huile sur toile, 96 x 94 cm.
— Head 1, 2007. Terre cuire emmaillée. 20 x 14 x 14 cm.
— Head 2. Terre cuite emaillée. 20 x 14 x 14 cm.
Milan Atanas
— Le déjeuner d’ouvrier à l’époque de la lutte des classes ou la transition serbe, 2000. Table en bois, couvert, formulaire d’usine, métal, plastique. 56 x 56 x 87 cm.
Orlando Mostyn-Owen
— Ostyn-Owen, La terre, 2007. Huile sur toile, 162 x 130 cm.
— Septembre, 2007. Huile sur toile, 162 x 130 cm.
Pascal PILLARD
— ßon pour un tour moi j’aime…, 2007. Huile sur toile, oreilles de cochon, grains de blé et tickets de manège. 81 x 199 cm.
— Lapin à l’arret, 2007. Huile sur toile et pampille. 219 x 92 cm.
René Mayer-Cohen
— Eat mother pig, 2007. Huile sur toile, 150 x 180 cm.
Rinald DRIEZ
— Tu viens jouer avec moi, 2007. Huile et polystyrène sur toile, 200 x 250 cm.