Raphaël Zarka
Ratiocination
La galerie Michel Rein est heureuse de présenter pour la première fois une exposition personnelle de Raphaël Zarka.
Cet artiste né en 1977, diplômé des Beaux Arts de Paris et de la Winchester School of Art, auteur de deux ouvrages sur l’histoire du skate-board, s’est distingué par sa présentation à la dernière Biennale de Lyon. Intitulée « Riding Modern Art », l’installation comprenait une série de photographies représentant des skateurs à l’oeuvre sur des sculptures d’art moderne dans l’espace public, et une sculpture moderniste de Kobro.
Ainsi apparaissait en filigrane un aspect important du travail de Raphaël Zarka: l’intérêt pour la migration des formes, des objets scientifiques de la Renaissance à la rampe de skate-board en passant par la sculpture moderniste.
Dans l’exposition à la galerie, l’artiste présentera notamment « Tautochrone », sculpture-réplique d’un objet mis au point par Galilée pour étudier le mouvement pendulaire. Par la pratique de la réplique, l’artiste nous dévoile plusieurs significations pour une même forme, comme pour jouer sur un inconscient collectif qui engloberait aussi bien la culture urbaine du XXIe siècle que les inventions humanistes de la Renaissance.
« Ratiocination », le titre de l’exposition choisi par l’artiste, illustre son goût pour la polysémie et le jeu. Il s’agit d’un terme emprunté à Edgar Allan Poe que l’écrivain utilise pour décrire ses contes les plus cérébraux, tel « Double Assassinat dans la Rue Morgue » avec lequel il invente le genre du roman policier. « Ratiociner » c’est, au sens littéral et littéraire, appliquer une méthode ultra-rationnelle à la fois d’écriture et d’enquête. Au sens péjoratif, c’est aussi un abus de raisonnement, soit l’imitation du rationalisme sans contenu scientifique réel.
Dans son travail plastique, Raphaël Zarka joue avec cette pluralité de sens. Il manie avec précision l’art de la réplique et de la reconstruction (comme en témoigne sa sculpture reconstituant le Cabinet de Saint Jérôme tel qu’il est peint par Antonello Da Messina) ou de la déduction (certaines de ses sculptures sont des formes trouvées par déduction à partir d’autres sculptures).
En cela, il est fidèle au principe de « ratiocination » de Poe et se rapproche du modèle d’artiste-architecte-scientifique cher à la Renaissance italienne (Da Vinci ou Alberti). Mais il est également attaché à l’erreur, à la poésie et à la libre association des formes et des idées, ce qui illustre le second sens du terme « ratiocination » et le rapproche du travail d’artistes de même génération comme Ryan Gander.
Si les « Rhombicuboctaèdres », sculptures-répliques que Zarka présentera dans l’exposition, ressemblent à des objets scientifiques, ils font aussi figure de phénomènes insolites lorsqu’ils apparaissent comme ready-made dans la série de photographie Les formes du repos. On retrouvera une nouvelle fois ces objets dans une peinture réalisée par l’artiste britannique Christian Ward pour l’exposition, ce qui renforce l’étrangeté de leur existence.
Entre science et fiction, le travail de Raphaël Zarka donne lieu à de nombreuses interprétations, de la vision scientifico-historique qui ravira les « nerds », à celle plus pop qui en fait l’ami des skateurs… La réalité de son travail se situe peut-être en deçà , dans un entre-deux poétique où les formes sont lisibles à plusieurs degrés sans que ces différentes significations ne s’excluent.
critique
Ratiocination