Raphaël Zarka

Raphaël Zarka
Raphaël Zarka

Pour un certain nombre d’artistes, l’inscription dans le champ du présent déroge aujourd’hui au principe d’une innovation systématique. L’expérimentation et la recherche s’opèrent pour eux dans une relecture et un réemploi de formes ou de positionnements préexistants.

Ainsi procède l’oeuvre de Raphaël Zarka, placée dès ses débuts sous les auspices de Borges: «C’est presque insulter les formes du monde de penser que nous pouvons inventer quelque chose ou que nous ayons même besoin d’inventer quoi que ce soit.»

Le monde peut alors se lire comme un vaste cabinet de curiosités au sein duquel réapparaissent régulièrement et dans des contextes variés des formes dont la géométrie essentielle et la nature symbolique révèlent une approche prospective du monde basée sur la pensée et la connaissance.

Raphaël Zarka interroge les réinvestissements théoriques, ludiques ou expressifs dont font l’objet ces formes, selon qu’elles sont reprises en charge par des ingénieurs d’ouvrages d’art de chantiers publics, par des artistes minimaux dans les années 1970 ou par des groupes sociaux singuliers.

Il a ainsi consacré plusieurs oeuvres à la pratique du skate comme culture, et à sa réappropriation systématique d’ouvrages d’architecture publique, dans une quête d’espace et de sensations qui faisaient se rejoindre la soif de liberté des années 1970 aux premières explorations scientifiques de l’univers.

Par l’image mais aussi par la reconstitution matérielle, il engage à partir de ces formes un travail de représentation qui renouvelle leur charge esthétique et les réinterroge du point de vue de l’art.

L’oeuvre de Raphaël Zarka questionne alors les notions de hiérarchie des valeurs, d’auteur et d’interprète, d’avènement et de propriété du sens.

L’exposition de Raphaël Zarka au Frac Alsace s’attache aux formes et aux oeuvres d’art en tant que sites, et aux modes d’appropriation que peuvent en représenter des formes quotidiennes d’expérience.

Ces réflexions sont en particulier l’objet des récents développements de son travail vidéo et des deux oeuvres Rhombus Sectus (2009) et Gibellina Vecchia (2010).

Rhombus sectus prend pour sujet les mouvements et la fréquentation quotidienne de la bibliothèque publique de Minsk, en Biélorussie, dessinée comme un parfait rhombicuboctaèdre, forme étudiée dès le XVème siècle par Fra Luca Pacioli dans De Divina Proportione et illustrée par Léonard de Vinci.

Déjà déclinée par Raphaël Zarka dans des oeuvres plus anciennes pour sa qualité d’outil d’étude du monde par la mathématique, elle réapparaît ici à l’échelle de l’architecture et de l’espace public, transformée et réactivée par la foule de ses usagers anonymes.

Pour Gibellina Vecchia, Raphaël Zarka est retourné sur le site de l’oeuvre de l’artiste italien Alberto Burri, Il Grande Cretto, réalisée en 1985-1989 en Sicile, et où il avait déjà réalisé son film Cretto en 2005.

Dans un lointain écho à Melancholia de Dürer et à la poétique des ruines d’Hubert Robert, il s’attache ici à suivre les fréquentations et les visites journalières de l’oeuvre, des bergers aux touristes, des étudiants aux architectes, chacun en donnant une représentation singulière.

Ces deux pièces vidéo, importantes dans la carrière de Raphaël Zarka, aux côtés de nouvelles oeuvres ou d’autres plus connues comme La draisine de l’aérotrain sont des exercices de représentation de formes connues qui invitent à penser l’oeuvre comme site et le geste quotidien comme mode de l’appropriation et de l’expérience.

Le Frac Alsace a choisi de mettre l’oeuvre de Raphaël Zarka au coeur de sa politique d’acquisition et de soutien. Son exposition au Frac Alsace est la première exposition monographique de Raphaël Zarka dans un Frac.