L’exposition de peinture «Rainbow Inn Motel Complex» est pleine de fraîcheur. Regine Kolle parvient à peindre en dessinant. A l’aide de traits colorés elle dose ses effets en clairsement la toile ou en la saturant. Les figures sont linéaires et se donnent à voir immédiatement. Elles ne tiennent pas à un fil mais sont dominées par des couleurs vives qui frappent immédiatement le regard. Les toiles se succèdent et tout est à prendre dans le vif, dans le moment. Le résultat est pictural bien que les moyens soient graphiques. L’utilisation du contour est presque une science, elle parvient à étouffer ou à aérer la surface du tableau, c’est au choix, mais elle privilégie toujours l’échange et le passage.
La facture est aussi simple que les personnages représentés. Les titres reflètent bien cette candeur, ils se contentent d’être descriptifs. Un chien marche dans les jambes de son maître, Dog Walk, une jeune fille tient dans ses mains un crâne humain, la référence à Shakespeare sonne juste et l’écho du titre, To Be or Not, est un leitmotif amusant qui joue avec le spectateur.
Dans ce style très épuré, où la ligne domine son modèle mais laisse à la peinture, par l’entremise de la couleur, tout le loisir de s’exprimer, les références aux arts sont possibles. La promenade de ce chien rappelle les tableaux de Bacon, que ce soit Dog réalisé en 1952, mais surtout Man With Dog, peint un an plus tard, où le maître a été tronqué par un cadrage près du sol. Dans les deux cas l’animal est au centre de la composition et le reste est relégué dans un hors champ improbable.
Chez Kolle, la référence est autant celle du peintre anglais que celle du cartooniste Tex Avery. En effet, dans les dessins animés de ce dernier les humains ne sont que des jambes où passent en dessous chats et souris, comme Tom & Jerry.
Les personnages et les scènes croqués sont simples et se laissent approcher sans crainte. La fluidité et les couleurs chaudes sont responsables de ce résultat. L’harmonie règne sur cet opus qui est cohérent grâce à la couleur et au dessin.
Que ce soit une infirmière (Nurse in Love), une licorne (The Unicorn Inn), une Hamlet en jupon (To be or Not), une écolière (Scribble Blue), un chien (Dog Walk), un couché de soleil (Face to Sunset Hotel), tout concourt à faire de cet univers le nôtre. La simplicité des modèles n’a d’égal que celle des saynètes proposées. Tout semble aller naturellement dans ce monde coloré.
Will you Still Need Me ? est la peinture qui nous accueille dans la galerie, elle est visible depuis la rue, elle attire le regard, elle accroche le passant et l’invite à entrer.
Une femme est assise les mains autour des genoux. Le visage est signifié par quelques traits bleus tandis que le reste du corps est serpenté de lignes colorées. Les contours sont répétés, plusieurs fois enroulés dans des camaïeux proches mais aussi tranchés. Ces taches de couleur font des ronds dans la peinture, l’image se dessine et se précise au rythme de cette irisation. La peinture de Kolle ressemble à ces ricochets que l’on fait dans l’eau, sauf qu’elle les réalise à l’intérieur d’un cadre aussi précis que celui d’un châssis et que l’on nomme généralement peinture.
L’artiste conçoit les thèmes qu’elle aborde de son point de vue de plasticienne. Il y a toujours derrière ces questions des manières de faire. Les toiles vivent grâce à un souffle rare ou abondant. Elles oscillent entre étouffement et l’hyperventilation. La chair du tableau est une corde colorée qui trace des lacets. Nœud coulant ou fil à la patte, cette liberté de ton permet de cerner son sujet ou de le laisser libre.
Le tracé oscille entre saturation et respiration. Regine Kolle ne tranche jamais entre les deux, elle ne s’interdit aucune solution et préfère proposer ces deux aspects de son talent qui sont aussi les deux facettes de son art.
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