L’installation vidéo bifide de Laurent Grasso impose un triple choix dichotomique. Recto ou verso, muet ou sonore, vue d’ensemble ou détail.
Côté grande salle, des poufs profonds sont disposés en contre-bas d’un écran de grande dimension, où flotte les errements d’une caméra, qui survole une mégalopole — on reconnaît Hong Kong —, et ses alentours escarpés, et maritimes. Paysages sauvages ou urbains, variations de surfaces miroitantes, abstraction géométrique, et monochromes aux couleurs vives, s’enchaînent avec fluidité à l’écran. Soit un balayage pictural sans horizon.
Depuis une cabine obscure et capitonnée, le revers de cet univers terrestre, saturé et partagé entre nature et hyper rationalité urbaine, est recadré par une petite fenêtre qui s’ouvre sur le verso de l’écran. Un faux effet de zoom, qui focalise le regard, mais laisse l’habitant-terrien invisible, alors que des voix d’hommes débitent, sur le ton de la confidence, des histoires à dormir debout. Le point de vue aérien et planant invite à l’identification avec les âmes errantes, assurément responsables des manifestations surnaturelles qui sont contées. Soit une plongée sans dénouement dans le fantastique.
Picturalité et fiction font ici bon ménage, en se tournant le dos. Mais l’interface commune demeure le réel que Laurent Grasso se plaît à reconfigurer, à partir de procédés d’enregistrement élémentaires, et moyennant quelques opérations de déconstruction du dispositif cinématographique. Il se trame dans ses œuvres comme un substrat inédit, mélange de réel, d’imaginaire et de sensible, pour d’autres regards étonnés sur le monde.
Laurent Grasso
— Radio Ghost, 2004. Installation vidéo. 30 min.