Jean-Marie Appriou, Jagna Ciuchta, Pauline Curnier Jardin, Arnaud Dezoteux, David Evrard, Laura Gozlan, Aurélien Porte, James Richards, Octave Rimbert Rivière ft. Gaëlle Choisne, David de Tscharner, Benjamin Valenza, Giuliana Zefferi
Radical Software
L’histoire de l’évolution technologique est parsemée d’associations contradictoires entre monde industriel et développements inattendus mis en place par des usagers. En prenant l’exemple sur les débuts d’Internet, nous vérifions que si les prémices du réseau ont eu lieu au sein de la technocratie militaire, il a été développé de façon exponentielle par des acteurs issus de la contre-culture hippie dont la revue Radical Software (1970-74) est emblématique. La Raindance Corporation était à l’origine de cette revue, une tribu écolo-cybernétique qui défendait une appropriation de la technologie en vue de son utilisation par des groupes communautaires locaux.
D’une certaine façon, cette contradiction se trouve au sein même de l’outil technologique: l’Internet a permis autant la libre circulation de l’information et la décentralisation radicale que le contrôle totalitaire des individus et la disparition de la notion de vie privée.
Dans cette nébuleuse où se croisaient différents collectifs issus de la contre-culture de l’époque, il est curieux de voir cohabiter une contradiction entre un désir de vie communautaire à la campagne, parfois technophobe, et une stratégie d’innovation et de détournement de la technologie aux mains des grandes sociétés. C’est une vieille contradiction idéologique qui avait déjà été l’objet d’un conflit avec les artisans luddites, détruisant les machines à l’aube de la révolution industrielle, ou à l’occasion du mouvement Arts & Crafts de William Morris.
L’exposition «Radical Software» tient ainsi à ne pas établir d’opposition entre poterie et instagram, entre rituel anthropologique et identités virtuelles, entre artisanat et photoshop, entre hardware et software. Les nouveaux totems, rituels, mythologies et folklore trouvent leur place sur nos écrans, et l’idée même de nature se trouve transmutée par des nouveaux modèles cognitifs. L’exotisme est parmi nous, on trouve des éléments rituels et vernaculaires dans notre quotidien le plus banal. Qu’il s’agisse de cyber primitivisme, de techno-animisme ou d’un rituel dans une langue inconnue, il s’agit d’imaginer l’artisanat et la réalité augmentée d’une société à venir.
Pedro Morais (commissaire de l’exposition)